Très mitigé à la sortie du film, un peu plus conciliant à distance. Je n'ai jamais vu de film de Spike Lee, je ne connais donc pas les tics éventuels de son style mais j'ai vraiment été gêné par le rythme très particulier de Blackkklansman. De nombreuses scènes s'étirent vraiment trop en longueur, avec un montage parfois abrupt qui ne permet pas de comprendre le sens profond de ce qui nous est raconté, entrainant ainsi un ennui poli. La critique militante est régulièrement binaire et tartinée à la truelle, prenant le pas sur le développement des personnages qui en restent au stade d'archétypes, quand ils ne sont tout simplement pas sans substance (Ron, volontairement présenté dès le début comme sans opinion sur rien et qui finira par très légèrement s'orienter politiquement... pour chopper une meuf). Seuls le perso de Flip (excellente interprétation de Adam Driver, meilleur acteur du film) prend un peu plus de corps avec l'irruption de ses interrogations identitaires (sans que le scénario pousse assez loin cette piste), c'est d'ailleurs le seul pour lequel j'ai pu ressentir émotion et tension car il va au charbon des contrôles de circoncision. Walter est également un peu plus intéressant car il sort du cliché que sont les autres suprémacistes, conscient de leurs limites et ayant quelques horizons plus politiques (je me suis même laissé à imaginer ses problèmes de management des débiles sous sa responsabilité).
Enfin, j'ai autant adoré sur le plan réalisation que que j'ai été gêné sur le plan thématique par la grande séquence de montage parallèle de l'ordination KKK avec ses "White power !" et du rassemblement afroaméricain avec ses "Black Power !", donnant un sentiment de clivage symétrique et renvoyant d'autant plus fort à la position insupportable de Trump après les heurts de Charlottesville, que le film montrera d'ailleurs en conclusion. Il faut reconnaitre que cet ultime choix d'inscription dans une actualité récente parvient enfin à rendre émotionnellement palpable le thème de Blackkklansman et ce qui peut par moment apparaitre, à tort, comme une caricature grossière. Le recul et l'écoute par hasard d'un documentaire sur le procès OJ Simpson et ses enjeux "raciaux" m'ont aussi permis de mieux percevoir la dimension très américaine du film, mettant en image une société durablement scindée en différentes communautés ethniques hiérarchisées qui ne se croisent pas. Ce qui n'est pas si évident à toujours garder en tête car le racisme ne se structure pas exactement de cette manière en France,
Bien que déçu sur de nombreux aspects, je ne regrette toutefois pas d'avoir vu ce film car n'en déplaise à ma critique surtout à charge, il offre de bonnes séquences, permet de découvrir qu'il existe un frère Buschemi (ça m'a travaillé tout le film), ravira les amateurs de coups afro (une concentration presque étouffante dans certaines scènes) et permet de se sensibiliser à la situation socio-historique de la discrimination ethnique aux Etats-Unis.