Un coup de génie bien au-delà du simple hommage (Critique originale pour Begeek.fr)

En ce début de mois d'octobre, 35 ans après le premier film Blade Runner de Ridley Scott, sa suite, Blade Runner 2049, est enfin disponible en salles. Voici notre critique sans spoilers du nouveau long-métrage de Denis Villeneuve porté par Ryan Gosling.


Alors qu’Hollywood a toujours plus tendance à déterrer d’anciennes licences pour les remettre avec plus ou moins de succès au goût du jour au cinéma sous forme de suite, de remake ou de reboot, difficile d’imaginer un réveil plus risqué que celui de Blade Runner. De très nombreux spectateurs pensaient en effet qu’il était tout simplement impossible de proposer une suite correcte au chef-d’oeuvre de SF de Ridley Scott sorti en 1982. Pourtant avec un casting solide, une équipe de vétérans visiblement impliquée et un réalisateur au talent reconnu qui a actuellement la main chaude (Denis Villeneuve), l’espoir a commencé à naître au fil des bandes-annonces. Aujourd’hui, Blade Runner 2049 est dans nos salles et voici notre critique.


Un pari risqué pour un résultat brillant


Difficile d’évoquer le scénario de Blade Runner 2049 sans en spoiler des éléments-clés, mais voici un rapide résumé des bases. Située chronologiquement 30 ans après les évènements du premier film, toujours à Los Angeles, l’histoire suit en vaste majorité l’agent K (Ryan Gosling), un agent du LAPD. Comme Rick Deckard (Harrisson Ford) avant lui, le travail de notre homme consiste à rechercher et éliminer les anciens modèles de Replicants, considérés comme obsolètes et dangereux.


Ces humains créés génétiquement sont sans surprise toujours au coeur de l’univers dystopique du film qui s’inspire du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques de Philip K.Dick (dont le vaste travail est pour mémoire actuellement décliné sous la forme d’une série d’anthologie). La dernière version (Nexus 9) de ces humains fabriqués pour réaliser les tâches les plus difficiles et ingrates est désormais pleinement sous contrôle de leurs créateurs, contrairement aux anciennes dont quelques survivants demeurent.


C’est durant une de ses enquêtes que tout va basculer pour l’agent K et que le scénario de Blade Runner 2049 va véritablement démarrer. Et nous n’en dirons pas plus car, pour une fois, les bandes-annonces cachent plutôt bien les différents retournements de situation qu’il serait dommage de gâcher, d’autant que finalement le scénario n’est pas très épais ou compliqué. En effet, et c’est un bon point pour les néophytes de la licence ou les gens à la mémoire courte, le film brille davantage par tous les à-côtés que par son histoire principale finalement assez classique et qui peut se suivre sans connaître le film original.


Un film en parfait équilibre qui respecte ses promesses


Le travail des scénaristes (Hampton Fancher qui a écrit Blade Runner et Michael Green à qui l’on doit notamment American Gods) est bluffant d’équilibre. Entre hommages, références et liens directs au film de Ridley Scott que les connaisseurs apprécieront et qui ne perdront pas les nouveaux venus, et nouveautés permettant d’insuffler du sang neuf à la licence, Blade Runner 2049 est tout simplement ultra solide sur son fond.


Dans son univers futuriste mêlant avec brio saleté et pauvreté et luxe outrancier, technologie de pointe et éléments du passé ou encore publicités omniprésentes de marques contemporaines pour donner un sentiment de réalisme (même si l’existence de Atari et Peugeot en 2049 : personne n’y croit), le film aborde bien entendu des sujets de réflexion chers à K. Dick. La condition humaine, la génétique, les dérives de la technologie ou encore la place des Replicants dans la société…autant de sujets passionnants à explorer qui sont ici bien traités. Même la romance principale du film, assurément l’un de ses principaux points forts, rappelle un certain Her, mais une fois encore nous en avons presque trop dit.


Et comme une bonne histoire n’est rien sans bons personnages, l’écriture et le jeu d’acteur de ceux de Blade Runner 2049 ont également été soignés. Outre Ryan Gosling qui fait très correctement son job et Harrison Ford à qui on n’apprend plus à faire la grimace, le film est surtout une réussite sur ses nombreux seconds rôles. Qu’il s’agisse des personnages portés par Robin Wright, Sylvia Hoeks, Mackenzie Davis, David Bautista ou encore (et surtout) Ana de Armas, tous respirent le travail bien fait malgré la sobriété et la retenue générale liées à leurs rôles.


Denis Villeneuve au meilleur de son art


Mais là où Blade Runner 2049 brille véritablement à 300%, c’est bien sur sa forme. Il s’agit tout simplement du meilleur film de Denis Villeneuve, déjà acclamé pour son travail dans Arrival. Chaque plan est un véritable travail d’orfèvre et de passionné. Qu’il s’agisse d’un plan aérien d’un paysage, d’un dialogue intimiste ou d’une scène lambda, aucun angle de caméra, lumière, couleur ou élément n’est laissé au hasard. Les artistes et l’homme derrière la caméra parviennent non seulement à remettre la gifle graphique que certains ont pu prendre en 1982 tout en respectant la direction artistique initiale, mais à même aller au-delà en proposant l’un des plus beaux films existants (s’il ne gagne pas des Oscars pour la réalisation et la photo c’est incompréhensible) et des idées visuelles marquantes.


Et Villeneuve ne s’arrête pas là car, comme dans Arrival notamment, il y a un vrai travail sur le son dans Blade Runner 2049. Grâce notamment à la musique de Benjamin Wallfish et Hans Zimmer (qui remplacent le collaborateur historique de Villeneuve, Jóhann Jóhannsson), qui une fois encore est en parfait équilibre entre hommage de la musique de Vangelis et nouveauté, le réalisateur utilise à merveille le son surround et englobe régulièrement toute la salle dans l’ambiance très marquée du film. Un peu comme dans Dunkirk (par Hans Zimmer également), le spectateur est régulièrement happé et sonné par de lourdes nappes de notes qui viennent renforcer avec brio ce qui se passe à l’écran. À titre personnel, j’ai rarement vécu un film de manière aussi intensive et active au cinéma.


Si Blade Runner 2049 approche donc de la perfection dans cette critique, on lui reprochera malgré tout deux points. Tout d’abord, l’antagoniste principal, Neander Wallace, incarné par Jared Leto, rappelle furieusement son Joker de Suicide Squad. Ce n’est bien évidemment pas un compliment, puisque le personnage (et/ou son acteur) en fait beaucoup trop pour finalement pas grand-chose et c’est une bonne chose qu’il n’apparaisse pas tant que ça à l’écran. Enfin, et malgré la durée de presque 3h du film – ce qui lui permet de prendre correctement son temps malgré quelques petites longueurs et passages un peu trop contemplatifs quand un peu plus de matière scénaristique aurait été bienvenue -, on aurait bien apprécié quelques dizaines de minutes supplémentaires pour un peu moins précipiter la fin et mieux fermer certaines sous-intrigues.


Blade Runner 2049 : tl;dr


Certains pourront lui reprocher sa longueur, son scénario finalement peu épais ou même une certaine prétention dans le fond et la forme, mais Blade Runner 2049 est à n’en pas douter le digne successeur et chef-d’oeuvre que l’on n’osait pas trop espérer. Comme le premier film de Ridley Scott, le dernier bijou de Denis Villeneuve laisse quelques questions en suspens (tout en apportant des réponses attendues de longue date) et utilise avec brio l’univers de Philip K. Dick pour raconter une histoire unique et traiter des sujets intéressants via des personnages en vaste majorité efficaces et une réalisation tout simplement inattaquable et au-dessus du lot.


Critique originale : https://www.begeek.fr/blade-runner-2049-avis-coup-de-genie-bien-dela-simple-hommage-251039

aGa
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le 30 avr. 2018

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aGa

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