Blade Ruinneur
Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique...
le 4 oct. 2017
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Blade Runner n'avait pas besoin d'une suite, mais Hollywood étant ce qu'il est, on en a eu une quand même. De deux heures trois quart qui plus est, mais et je dis ça en toute sincérité (alors que je défends avec ardeur le principe selon lequel un film ne devrait pas dépasser la durée fort respectable de deux heures), on ne les voit pas passer.
D'abord parce que le film est visuellement magnifique, avec une atmosphère qui s'inspire de l'original mais ne le copie pas, dans une Los Angeles sombre, polluée et pluvieuse, surpeuplée jusqu'à l'étouffement.
La production est d'excellente qualité, mais le film reprend aussi des éléments narratifs des blockbusters du genre, et le résultat c'est une exposition moins subtile avec par exemple les monologues grandiloquents de Jared Leto (d'ailleurs très peu présent dans le film, à se demande si son rôle n'a pas été jokerisé): on le sait que la société est bâtie sur le dos d'esclaves, on regarde le même film...
Idem, la "résistance" des répliquants qui arrive comme un cheveu sur la soupe 10 minutes avant la fin avec un petit côté "Hunger Games" qui passe mal.
Les deux acteurs principaux sont très bons: Ryan Gosling équilibre détermination froide à la Drive et sensibilité, on voir qu'il masque en permanence une partie de sa personnalité, que la société ne lui laisse pas exprimer pleinement son humanité. En parallèle, Sylvia Hoeks fait une très bonne performance de robot avec Luv.
La performance de Harrison Ford est superbe (en passant, est-ce qu'on peut tous s'accorder sur le fait qu'il n'avait pas de costumière et qu'il a fait tout le film avec son jogging?), bien plus naturelle et sensible que les autres coming back de Ford dans Indiana Jones ou Star Wars, le film enrichit le personnage de Deckard sans le trahir.
Sur ce plan-là, le pari est réussi, mais le film répète également le sexisme subtil de l'œuvre de Ridley Scott: prostituées et hologrammes sexys qui servent de décor, mais aussi au premier plan, puisqu'aucun personnage féminin n'existe indépendamment des hommes du film: Joi ne vit que pour et par K, Luv est le bras armé de Wallace, même Joshi, la cheffe de K, tente de le séduire.
Le personnage de Joi est emblématique de ce problème: elle n'existe que pour procurer un amour inconditionnel et une oreille attentive et compatissante à K (et donc un outil d'exposition au film), et
meurt brutalement pour ne plus jamais être évoquée
. La scène avec elle, K et la prostituée est une prouesse technologique incroyable mais d'un point de vue humain elle met un peu mal à l'aise (on dirait qu'on s'est inspiré de Her sans le comprendre).
C'est d'autant plus frustrant que l'intrigue repose fondamentalement sur les femmes.
De la même façon, le film ne compte aucun personnage non blanc (pas spécifique à Blade Runner mais au genre de la SF en général), dommage quand, sur fond d'esthétique japonisante, le film repose fondamentalement sur le thème de l'oppression, de violence policière, de ce qui rend une personne humaine.
Loin d'être un projet commercial cynique, Blade Runner 2049 est un hommage à l'original tout en mettant en avant des idées et des formes nouvelles, malheureusement la représentation est l'angle mort de Villeneuve et des scénaristes.
Créée
le 19 oct. 2017
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