Dès son annonce, le film Blade Runner 2049 était déjà honni par la communauté cinéphile, craignant cette suite au premier film de Ridley Scott qui était considérée comme non nécessaire et non voulue. Denis Villeneuve, réalisateur devenu au bout d'une poignée d'années un grand faiseur, chapeaute cet immense projet dont les risques sont bien plus importants que les possibles bénéfices. En effet, l'entreprise est un véritable "quitte ou double" pour lui : deviendra-t-il le nouveau roi Midas dont chaque projet de film devient de l'or, ou un énième yes-man rapidement éconduit dans les ténèbres des productions foireuses ?


Alors que commence l'introduction, l'écho fait au premier film est marquant, au point qu'on entendrait presque les notes mélancoliques de synthé de Vangelis, résonnant en nous. L'œil, avant flamboyant, est désormais épuré et vide, tout comme l'est le reste du monde.


Alors que les événements du précédent volet laissaient transparaître un climat de fin du monde, nos craintes semblent s'être concrétisées. Le monde agonise lentement, alors qu'une nouvelle entreprise de Replicant, nommée Wallace, prospère sur les ruines de l'ancienne et espère mettre la main sur un enfant très prometteur pour l'avenir du monde. En effet, il serait le fruit d'une Replicante, et pourrait donc amener l'entreprise à pouvoir en concevoir en masse.


Et ainsi, sur les corps de tout ces futurs esclaves, l'humanité pourra enfin s'élever jusqu'aux confins de l'univers.


En plus d'être un astucieux palliatif aux rendus 3D des environnements, la brume qui semble étouffer la planète accentue au maximum les teintes monochromes. Ainsi, le orange brûlant cohabitant avec les restes d'une ville en ruine contraste totalement avec les nuances violettes et bleuâtres d'une autre en proie à l'hypertechnologisme.


La composition de l'image est, à mon sens, une des plus sublimes que le septième art ait pu nous offrir, et le travail sur l'architecture n'y est pas pour rien. En effet, les édifices titanesques, notamment ceux de la compagnie Wallace, prennent ici une allure de temples érigés en l'honneur des dieux créateurs des Replicants, maîtres absolus de leur existence. La géométrie des structures intérieures dévoilent des effets de lumière en perpétuelle mouvance, avec par exemple les reflets de l'eau rappelant les oscillations d'une piste sonore.


Ce voyage est à la fois celui d'un Réplicant presque mutique en quête de réponses sur sa propre existence, et celui d'une humanité dont les râles d'agonie tentent d'étouffer un sanglot. Celui causé par l'idée de perdre le contrôle des Replicant si l'enfant venait à leur échapper. Celui causé par l'idée de perdre leurs temples et leur rôle de créateurs.


Ce qui est ici incroyable avec Blade Runner 2049, c'est qu'il est devenu une suite indispensable et complémentaire, alors que nous ne l'avions jamais réclamée.

Le-Maitre-Archiviste
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le 12 juin 2021

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