Blade Runner 2049 … "suite" du mythique Blade Runner de Ridley Scott..


J’y allais sans rien en savoir de plus, je n’avais vu aucune bande-annonce, lu aucun résumé et aucune critique (le facteur n’a même pas posté mon journal avec les critiques cinéma de la semaine, c’était sûrement un signe). Je ne savais pas s’il s’agissait d’une véritable suite, ni à quel moment l’action prenait place ni quels étaient les personnages. J’avais uniquement une vague idée des acteurs (à cause de l’affiche, en fait).


Les premières scènes nous présentent l’univers, le contexte général, presque sans paroles et avec très peu de personnages. Les réplicants sont désormais plus obéissants et certains traquent les anciens modèles :



« I don’t retire my own kind because we don’t run, only older models do ».



On observe donc l’agent K, interprété par Ryan Gosling, déjà connu pour ses rôles de solitaire mystérieux, presque mutique. Dans sa « vie », tout est pensé à l’avance et rarement par lui-même :



« I wasn’t aware it was an option, Madame ».



Jusqu’à ce qu’un évènement inattendu vienne troubler cette apparente stabilité et remettre en question jusqu’à son existence, son… humanité. K a désormais une réelle mission à accomplir, une qui lui tient à cœur, une qui ne lui est plus dictée,


une qui le concerne réellement ?


Les questionnements humains prennent dès lors forme en lui : "qu’est-ce qu’une âme, un souvenir ? qui suis-je, que dois-je faire, que suis-je" ?
Le « suis » peut d’ailleurs autant être « être » que « suivre » : On passera ainsi d’un personnage qui « n’est pas » mais qui « suit », à un personnage qui peu à peu « devient » et ne « suit » plus.


(Ok, c’est peut-être un peu trivial ou nul comme réflexion, mais j’aime toujours beaucoup jouer sur et avec les mots.)


Cette « humanisation » progressive est d’ailleurs rendue encore plus visible par l’évolution de la relation entre K et Joi, passant d’un virtuel presque réel à quelque chose de réel mais qui reste évidemment en partie virtuel.
Certes, ces réflexions sur l’humanité ou le « sens de la vie » étaient bien évidemment déjà présentes dans Blade Runner premier du nom et sont également évoquées et développées dans de nombreux autres films.


(On pourrait même penser à Pinocchio qui veut devenir "un vrai petit garçon " haha).


Je conçois parfaitement que les retrouver ici ne casse pas trois briques à un canard (quoi ?), mais j’ai trouvé qu’elles poursuivent leur cheminement d’une manière tout à fait pertinente, tout en restant dans la même lignée, sans pour autant n'en être que des copies, qui auraient été peu intéressantes.


Je n’en dirai pas plus sur « l’histoire » en elle-même, je ne pense pas avoir besoin de « spoiler » pour dire ce que je voudrais dire, ou pour simplement dire que le film est réussi, tant par ses thématiques que par sa forme.


Car, en effet, au-delà de cette quête personnelle (bien qu’elle touche aussi à l’universel), le film est extrêmement réussi sur son plan esthétique. Chaque plan semble pensé dans ses moindres détails : les objets dans une pièce, les couleurs qui y sont associées, la lenteur (ou rapidité) des mouvements…


Tout est beau, et j’aurais aimé avoir 1000 yeux pour tout observer. Il réussit également haut la main son pari de réaliser un hommage respectueux sans pour autant être une copie sans âme du film original, en en reprenant toutefois les thèmes, comme évoqué plus haut. Et, il y apporte même de la fraîcheur et de la modernité. En effet, Villeneuve parvient réellement à actualiser l’univers visuel proposé par Scott en 1982, tant en y adjoignant les codes cinématographiques d’aujourd’hui qu’en s’attachant à représenter l’évolution de ce monde dystopique lui-même.
Certaines scènes peuvent par ailleurs paraître faire directement échos à certaines autres (je pense notamment à la scène sous la pluie vers la fin, bien qu’elle n’atteigne pas la même puissance), mais toujours dans un immense respect. On dénote d’ailleurs clairement un immense attachement, voire une fascination, pour l’œuvre Scott ainsi que pour tout son univers dans chacun des plans, tous plus minutieux les uns que les autres.


D’autre part, je voudrais souligner la probable prise de risque de Villeneuve, qui, sans doute en voulant se rapprocher du matériau d’origine, privilégie la lenteur, le temps de prendre le temps à une action frénétique. Blade Runner 2049 prend le risque d’accentuer ce côté contemplatif, lent, mais qui pour moi, a tout son sens, tant l’univers est à la fois riche (de par l’attachement au moindre détail) et désolé (de par cet univers dystopique désemparé et gris), contrairement aux productions que l'on voit fréquemment actuellement. Villeneuve fait ici preuve d’une grande maîtrise temporelle, qu’il s’agisse du temps de chaque scène ou de leur enchaînement.


La scène qui me paraît, à ce sujet, la plus représentative est quand K découvre "l’immeuble" où vit Deckard : chaque élément, chaque objet peut être analysé et a son sens, et ce, dans un silence parfaitement adéquat. Notez aussi que cette scène fait suite à une non moins magnifique scène dans un désert magnifique aux couleurs brûlantes.


Alors, devant tous ces magnifiques compliments, Villeneuve aurait-il réalisé la perfection ? Blade Runner 2049 est-il le « miracle que l’on n’a jamais vu » ?
Non pas exactement, et pour deux raisons principales pour moi. Premièrement, les musiques sont assez peu remarquables et vite oubliables (voire parfois désagréable quand elles sont trop fortes). Je précise que je parle bien ici des musiques et pas du son en général. C’est d’autant plus dommage que les images sont somptueuses, et auraient pu être véritablement sublimées par des musiques plus… originales ? J’ai toutefois assez apprécié celle que l'on entend lorsque K et Joi vont voir l’orphelinat. Deuxièmement, je n’ai pas compris l’intérêt des espèces de “flash-backs” explicatifs, répétant des scènes qui viennent (plus ou moins) de se produire. Ces « rappels » prennent réellement le spectateur par la main, sans que cela me semble nécessaire. Et même si c’était nécessaire, si vraiment certains passages étaient restés un peu opaques sans ces explications (pour un temps ou pour tout le temps)… je ne l’en aurais trouvé que meilleur, pour laisser des portes ouvertes, laisser les réflexions et pensées se tisser. Pouvoir se demander, devant le visage pensif de K « à quoi songe-t-il ? » plutôt que d’entendre ce que l’on pensait (ou pas) déjà.


Enfin, et là, c’est uniquement un ressenti personnel, je pense, et malgré l’excellente réalisation et qualité générale du métrage, il y a toujours « quelque chose » à quoi je n’accroche pas avec Villeneuve. Tout est extrêmement maîtrisé, bien-sûr, mais j’ai cette impression, quelque peu contradictoire, qu’il peut tout faire, mais n’apporte pas de « petite touche personnelle » à ses œuvres. Cette petite chose qui ferait qu’on le reconnaisse. Alors, c’est peut-être moi qui suis aveugle, mais entre Prisoners, Enemy, Sicario, Arrival ou ici, je ne parviens pas réellement à distinguer son « style ».


On peut penser que certains thèmes, tels que la recherche de soi, la parenté ou la filiation sont récurrents, mais je ne vois rien de plus.


Finalement, j’ai du mal à ne le considérer que comme une suite ou même à le comparer en tant que tel à son aîné. Il est probable que le film n’atteindra pas les mêmes sommets du « film culte », il n’a pas le même potentiel de "surprise", d’étonnement ou d’originalité qu’a pu susciter Scott en 1982. Pour autant, il ne m’en sembla pas moins réussi. Je ne pense pas qu’il soit toujours nécessaire de comparer, d’attendre autant. Chaque film devrait pouvoir exister pour lui-même (tant que ses influences, inspirations, adaptations et autres restent respectueuses du matériau original, évidemment). Il s’agit davantage selon moi d’un hommage, avec une volonté d’actualisation et de nouvelles propositions d’un film culte, mythique. Et c’est, en le voyant de cette manière, totalement réussi (même s’il reste imparfait). Bravo, Denis.

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le 6 oct. 2017

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Anyore

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