Vous connaissez tous Blanche Neige, voici une adaptation contemporaine d'Anne Fontaine sous le prisme de l'émancipation sexuelle. Claire (Lou de Lââge) se réfugie dans un village après avoir été victime d'une tentative de meurtre de la part de sa belle mère jalouse (Isabelle Hupert). Elle va peu à peu redonner vie à cette bourgade éteinte tandis qu'elle se découvre des désirs. Le film se montre donc un poil érotique avec un personnage qui n'a pas de compte à rendre.


Blanche comme neige laisse un goût très amer. Au niveau de la réalisation déjà : elle laisse planer par instants une touche de féerie qui aurait fait du bien au film si elle n'était pas aussitôt remplacée par un ancrage dans notre monde bien identifié. Il y a des moments un brin onirique, parfois des détournements du conte (les animaux qui rejoignent Claire), parfois stylisés. Et puis le reste du temps on nous rappelle platement qu'on est dans un village bien de chez nous comme un rabat-joie. L'aspect irréel n'est évoqué que par brèves touches alors qu'il aurait pu élever le récit et lui donner un peu de relief au milieu des turpitudes d'une série de l'été française. Par contre pour filmer lourdement des nains de jardins ou des pommes rouges qui nous rappellent d'où vient le film, là il y a du monde. Mais la réalisation a toutefois ses éclats discrets, comme ses petites touches de fantaisie évoquées plus haut. Les scènes de sexe sont assez sages mais elles sont expressives et sensuelles et elles servent généralement le film, à part celle qui a lieu devant la télé allumée où je n'ai pas compris le délire. Il y a surtout une scène de danse en plan-séquence qui ressemble à un affrontement et où la réalisation fait monter le malaise, ça c'était très réussi. Enfin la transformation de la symbolique de la pomme qui devient ici associée à son pendant du jardin d'Eden est facile, mais judicieuse.


Le propos sur la libération sexuelle de l'héroïne qui se confronte à des gens qui préféreraient qu'elle soit plus discrète, ou réservée à un seul mec, ou qu'elle vive tout simplement moins qu'elle ne le souhaite, est léger mais fonctionne. Disons que l'écriture et le jeu ont leurs hauts et leurs bas. Lou de Laâge est impeccable dans le rôle principal et a toute la sensualité dont le personnage a besoin, elle porte ainsi le film sur ses épaules. Quelques uns des sept "nains" qu'elle rencontre ont aussi une bonne évolution comme Jonathan Coen qui change un peu de son registre habituel. Le film sait passer d'un personnage à l'autre au bon moment pour explorer diverses facettes des rapports sexués tristes, entre solitude, frustration et possessivité. Mais à côté de ça il y a de gros moments de gêne. Benoît Poelvoorde est en roue libre, sa première apparition laisse déjà pantois et sa "séquence particulière" avec Lou de Laâge est incroyablement embarrassante, j'avais le sourire crispé. Il y a aussi le personnage d'Isabelle Hupert dont il faut discuter.


Isabelle Hupert joue la méchante belle-mère, on sait qu'elle est jalouse de Claire parce qu'il y a 5 000 passages où Claire est filmée de loin avec des obstacles au premier plan pour qu'on sente qu'elle est observée en cachette. On suit quelques fois son point de vue tandis que son mec la délaisse, le film nous évoque rapidement sa détresse à se sentir vieillir tandis que le succès de Claire passe pour de l'insolence. Cela sert l'idée féministe que Claire se voit reprocher davantage son existence que son comportement, lequel n'est qu'un prétexte pour lui en vouloir, d'où le titre du film. Certes tout cela est bien beau sur le papier, mais Isabelle Hupert ne porte pas son personnage et ne parvient qu'à lui donner éternellement la même moue et une position de retrait. Cela pourrait passer pour de la retenue bienvenue, mais cela dessert son rôle de menace. Elle veut tuer Claire, elle arrive pour apporter le malheur, mais on n'a jamais peur d'elle. Anne Fontaine ne maîtrise pas ses moments de tension et en fait des clichés, la scène de l'affiche en est un exemple flagrant. Il n'y a qu'un moment où son rôle de méchante arrive à se déployer, un moment troublant avec Lou de Laâge où elle a l'air d'essayer de lui arracher sa beauté en faisant mine d'être proche d'elle. Ça c'était très bien.


Le film se poursuivait, j'attendais la suite. Et là, j'ai eu la fin la plus naze possible pour une méchante, c'était tellement nul que j'ai cru que la belle mère avait fait un cauchemar et allait se réveiller. Et puis on termine sur une brève scène, mignonne mais attendue et expédiée, et c'est la fin sans épilogue. Tout ça pour ça ? On dirait que la réalisatrice a laissé tomber la fin. C'est à l'image du film : des beaux moments et des ratages. Une très bonne actrice principale dont les partenaires de jeu s'alternent efficacement mais ne se valent pas. Un propos qui se tient mais qui manque d'une opposition qui marque. Un film avec un peu trop de bons points pour être mauvais, mais qui ne remporte pas l'adhésion.

thetchaff
5
Écrit par

Créée

le 15 avr. 2019

Critique lue 489 fois

1 j'aime

thetchaff

Écrit par

Critique lue 489 fois

1

D'autres avis sur Blanche comme Neige

Blanche comme Neige
CINEKIKS
1

Un calvaire sans nom !

Jamais ce film ne prend la peine de passer la seconde, si bien qu'il stagne dans une position le rendant poussif et polluant. Près de deux heures d'exposition du corps et des charmes de Lou de...

le 17 avr. 2019

8 j'aime

Blanche comme Neige
Cinephile-doux
7

Sérieux comme le désir

Respect pour Anne Fontaine qui a réussi à construire une filmographie de 16 longs-métrages à l'écart des modes et toujours originale même si les plus belles réussites (Nettoyage à sec, Les...

le 11 avr. 2019

8 j'aime

2

Blanche comme Neige
Melinos
5

Jeune femme objet de désir plus que sujet de désirs

Il y a de belles intentions dans ce film. Dédiaboliser le désir et le plaisir féminin. Désacraliser le sexe en général, le libertinage, l'indépendance de la femme. Malheureusement, les messages...

le 6 mai 2020

4 j'aime

Du même critique

Seven Sisters
thetchaff
5

On aurait dû faire un calendrier à 5 jours

Des mini-divulgâcheurs se sont glissés dans cette critique en se faisant passer pour des lignes normales. Mais ils sont petits, les plus tolérants pourront les supporter. Seven Sisters est l'exemple...

le 2 sept. 2017

94 j'aime

9

Matrix Resurrections
thetchaff
6

Méta rixe

Cette critique s'adresse à ceux qui ont vu le film, elle est tellement remplie de spoilers que même Neo ne pourrait pas les esquiver.On nous prévenait : le prochain Matrix ne devrait pas être pris...

le 27 déc. 2021

71 j'aime

3

Zack Snyder's Justice League
thetchaff
6

The Darkseid of the Moon

Vous qui avez suivi peut-être malgré vous le feuilleton du Snyder Cut, vous n'avez sans doute pas besoin que l'on vous rappelle le contexte mais impossible de ne pas en toucher deux mots. Une telle...

le 19 mars 2021

61 j'aime

4