Sacré Guillaume Canet.. Tu es une bête noire d’une presse qui t'attends toujours avec les armes bien chargées. Il faut un nom au cinéma pour recevoir de belles critiques. Woody Allen ? Les frères Coen ? Oui, Canet n'est certainement pas à leur niveau mais ils n'ont pas tous fais que des bons films et ça, la presse a du mal à l'assumer. Enfin bref, passons à Blood Ties.
Remake des Liens du sang de Jacques Maillot, réécrit pour l’occasion par James Gray, avec un casting proprement dément, c'est un film anachronique, fresque foisonnante à laquelle il manque surtout l’ampleur qu’aurait réussi à donner James Gray par sa mise en scène. Et pourtant, malgré ses grosses maladresses, Canet ne s'en sort pas si mal.
C'est parce qu'il s'agit avant tout d'un scénario écrit par un grand, James Gray, qui livre quelque chose de brillant et qui se réapproprie le matériau de base pour le transcender, jonglant entre les nombreux destins, les divers couples, avec au centre l’arc narratif principal entre deux frères : un flic et un voyou. Rien de bien surprenant, surtout que son regard si juste sur tout ce qui touche à la famille est grandiose dans ses films précédents. Une écriture toutefois prise en défaut par le montage. En effet, en l’état le film parait trop long. C’est essentiellement un problème de rythme et de manque d’ampleur, avec des parties entières du récit qui semblent expédiées quand d’autres s’étalent trop. Le début s'ensuit de scènes beaucoup trop saccadées et très peu traitées. On pense par exemple à toute la partie “succès et décadence” autour du personnage de Marion Cotillard, à peine développée alors qu’elle se révèle, pour une fois, formidable en maquerelle. Un rythme donc qui cherche plus à poser une ambiance qu’à créer des ponctuations. 'est tout à fait honorable, sauf que le revers de la médaille est que le film reste en permanence au même niveau, ne s’élève jamais à l’exception de sa formidable conclusion qui produit enfin une émotion.
Car, en effet, Blood Ties en es plutôt dénué, malgré une justesse très propre de dramatisation par moment. Après avoir abusé des violons dans son film précédent, Guillaume Canet fait preuve d’une sobriété exemplaire cette fois. Peut-être trop, car il ne possède pas la maîtrise de James Gray, celle qui permet de donner une autre dimension au récit en l’élevant au rayon des tragédies grecques. Pour autant, il n’est pas question de parler de confiture donnée aux cochons. Si Guillaume Canet ne brille pas nécessairement par l’inspiration de sa mise en scène, il rend une copie extrêmement solide. Blood Ties manque clairement d’une identité cinématographique mais on se situe là face à du cinéma propre, maîtrisé et même très élégant. Réalisé par James Gray lui-même, le film aurait certainement été très grand. Non pas qu’on émette quelque doute concernant les qualité de Guillaume Canet cinéaste, Mon idole et Ne le dis à personne étant des preuves irréfutables d’un certain talent, mais il reste un “jeune” cinéaste qui se retrouve aux USA, avec un script en or massif et un casting des plus fous à diriger. Mais malgré cela, Canet a su garder la tête froide et parvient à procurer un certain divertissement. Blood Ties est long mais on ne s'ennuie pas, car il est dense et multiplie les sous-intrigues, malheureusement pas toutes très bien exploitées. Là où il se fait vraiment plaisir, c’est autant dans l’utilisation d’une bande-son faite de morceaux emblématiques des 70′s qui donnent un peu une sensation de juke box idéal et purement illustratif, que dans sa mise en scènes, certes, très impersonnelle. En effet, Blood Ties réunit beaucoup de motifs du cinéma de Scorsese, de Friedkin et autres grands maîtres des polars des 70's. C'est don oui impersonnel mais cela reste solide, comparé à ce que nos autres "auteurs" ont à proposer. Mais là où Canet excelle, c'est dans la direction d'acteurs. Chacun d'entre eux est incroyable à commencer par un Clive Owen irréprochable, un Billy Crudup qui rappelle qu’il mériterait de travailler beaucoup plus, un James Caan impérial et une Zoe Saldana et une Mila Kunis une fois de plus remarquables.
Il ne fait alors aucun doute qu’il sera encore reproché à Guillaume Canet de vouloir faire du cinéma comme un américain, ce qui est vrai, plutôt que comme un vulgaire amateur. Il n’empêche que malgré quelques gros défauts, son Blood Ties transpire le cinéma par tous ses pores, chose tout de même assez rare dans notre beau pays.