Pas évident à cerner ce Blow Up tant il semble impalpable. Entre maîtrise formelle qui impressionne et déconstruction à outrance d'un récit qui ne semble aller nulle part mais qui a pourtant beaucoup de choses à dire, Blow up revêt des airs d'introspection d'un cinéaste qui se questionne. A travers les yeux de Thomas, photographe de mode à succès qui cherche à changer radicalement son style en essayant d'appréhender cet insaisissable ingrédient fait d'imaginaire et d'inspiration qui est la marque des grands artistes, Antonioni semble se questionner lui même sur son métier et ses aspirations. Il brosse d'ailleurs dans son film un portrait très coloré d'un milieu qu'il a sans doute côtoyé lui même, fait de rêve et d'apparence, d'inhibition et de spontanéité.

Si le film est une horlogerie parfaitement huilée d'un point de vue formel, il est beaucoup plus délicat d'appréhender son sens premier. Dès lors, soit on se laisse porter par la précision des images, par le côté fougueux des personnages, soit on se perd dans un labyrinthe où le temps est malmené, en essayant de recoller tous les morceaux. Ces derniers imposent d'ailleurs leurs réponses lorsque le cinéaste le décide, vouloir les anticiper semble être le meilleur moyen de se perdre davantage. Reste alors au spectateur ce sens inné de la mise en scène, cette beauté plastique qui habille le film qui le transporte de séquences en séquences, sans réel but jusqu'à la mise en place d'une intrigue légère, simple prétexte à poser encore plus de questions sans donner de réponse. Antonioni finira d'ailleurs le film dans cette même logique, sans apporter une quelconque explication, mais en témoignant de l'évolution de son personnage principal. Ce dernier, complètement dans la maîtrise tout au long du film, se laissera aller à une partie de tennis simulée jusqu'à réussir à en entendre les bruits de balle, preuve que son imaginaire peut être aussi puissant que cette réalité qu'il semblait pouvoir dompter avec ses objectifs.

Blow Up est un film déroutant mais fascinant. Je me suis pour ma part laissé complètement porté par cette ambiance si particulière qu'y distille Antonioni, totalement subjugué par la justesse de l'ensemble. Image précise, bande son envoûtante, acteurs inspirés à l'image du possédé David Hemmings permettent de faire de cette bobine un moment cinématographique à part, en tout cas, peu commun. Belle découverte.
oso
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le 16 févr. 2014

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