Bob le flambeur par Maqroll
Un « film de gangsters » qui tranche sur la production de l’époque et impose un ton nouveau et décalé. On peut certes y assister à une très bonne reconstitution du Paris nocturne et encore plus de ces petits matins blafards chers à tous les amoureux de la capitale. Par ailleurs, Melville brosse un intéressant tableau des rapports entre truands, entre policiers et entre truands et policiers. Mais la principale force de ce film réside dans l’espace parodique de la préparation minutieuse du hold-up. Très évocatrice de celle de Du rififi chez les hommes (tournée un an plus tôt par Jules Dassin), elle vient pulvériser les lois du genre puisque le coup avortera pitoyablement en raison même du talon d’Achille du « héros » (contenu dans le titre du film). La fin, malgré un carnage aussi imprévisible qu’inutile, est ainsi teintée d’humour et d’espérance. Les comédiens, dont aucun n’appartient au « star-système », sont parfaits de justesse et de sobriété. La mise en scène de Jean-Pierre Melville est exemplaire en ce qu’elle contient de « cinéma », au sens noble du terme, que Godard encensera à juste titre. L’auteur (dans la pleine acception du terme puisqu’il est aussi scénariste et producteur) est sans doute alors à son apogée, avant de se faire rattraper quelques années plus tard par le cinéma commercial avec le vedettariat (Jean-Paul Belmondo) et l’adaptation littéraire (Léon Morin prêtre). Un film à découvrir ou à redécouvrir sans retard pour tous ceux que le cinéma passionne.