Sous le ciel gris de cette cité témoin de l'essor urbain du moyen âge, nous sommes entraînés par les deux gangsters des Temps modernes à travers un long cours d'eau et d'aventures. Le voyage onirique commence lorsque le duo de tueurs à gages anglais choisit de se poser quelque temps à Bruges, après un contrat qui a tourné au vinaigre.
Un tandem attachant excellemment cuvé, nous y retrouvons Colin Farrell dans le rôle de Ray, un jeune tueur gaffeur, déboussolé, suicidaire et en mal de dilection. McDonagh fait de nouveau appel au talent de Brendan Gleeson, le second élément de ce duo de choc, il s'agit de Ken, personnage à l'apparence calme et sereine qui incarne la figure paternelle conseillère et protectrice.
Ray, érodé par son erreur dirige toute sa haine contre ce « trou », qu'il n'a de cesse de fustiger. Ken quant à lui va se laisser séduire par la ville, son architecture, ses musées, ses canaux et ses rues pavées et gardera tout de même un œil bienveillant sur son jeune filleul. Les deux acolytes ont donc pour ordre de jouer aux touristes en attendant les nouvelles consignes du patron. Un homme au langage grossier, interprété par Ralph Fiennes en totale concordance avec l'esquisse de l'individualisme moderne : narcissique, apathique, égoïste et indifférent.
Une romance en fond de toile apporte à ce décor gothique un souffle de candeur ; Ray tombe sous le charme d'une jeune belge, mystérieuse sous les traits de Clémence Poésy. Tous deux s'apprivoisent avec une vélocité d'un naturel surprenant. D'ailleurs, tout est surprenant dans cette épopée, c'est une aventure au souffle à la fois morbide et drolatique bien plus excitante que ces films d'action à l'aboutissement prévisible. Une errance ceinte d'étranges rencontres avec des habitants, des touristes, ainsi qu'un acteur américain nain tournant un film d'art et essai sur L'Europe inspiré de Ne vous retournez pas, œuvre cinématographique de Nicholas Roeg.
Lorsque le patron finit par appeler, c'est pour demander à l'un des tueurs d'abattre l'autre, les « vacances » laissent alors place à une course-poursuite surréaliste dans les rues de la ville. Une cascade de fatalités accompagnera la descente aux enfers de ces deux antihéros. Le Jugement dernier, toile de Bosch est l'occasion de délier une série de questions sur le thème de la vie après la mort. Ray s'essaye en exégète, le purgatoire « C'est quand on n'est ni bon ni mauvais, comme Tottenham »...
Du début à la fin, le film transpire l'humour noir, fou, décalé et sans bornes. Mais c'est loin d'être un humour « facile », il renvoie à un assortiment symboles à décortiquer. On pourrait y ressentir l'atmosphère de Houellebecq, une atmosphère qui exprime, symétriquement au pourrissement corporel, le sentiment de vivre les ultimes moments d'une civilisation à son déclin.
Une fin triste et heureuse à la fois, qui contentera tout le monde. La dernière scène d'ailleurs, n'est pas sans rappeler la fin de Six shooter, et ce pauvre lapin qui n'y était pour rien. Martin McDonagh semble fasciné par les personnages désespérés, au bord du précipice ; sa plume les torture avec cynisme dans une vision apocalyptique de la vie, puis leur offre le coup de grâce par une chute insolente.
Flyboatbleu
7
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le 4 févr. 2011

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