Border
6.5
Border

Film de Ali Abbasi (2018)

Avec cette 3ème réalisation d’Ali Abbasi, nous faisons la connaissance de Tina. Tina est une personne solitaire, étrange et laide. Vraiment très laide, ce qui lui attire les moqueries les plus immondes.
Ironie du sort, elle est quant à elle dotée d’un mystérieux sixième sens lui permettant de sentir, au sens propre du terme, les sentiments les plus immondes de l’Homme. Honte, méchanceté, malveillance, cruauté… tout ceci est ressenti par Tina sous la forme de très mauvaises odeurs. Elle travaille comme douanière à l’aéroport, où son « pouvoir » est mis à profit pour débusquer les criminels. En dehors de son travail, elle est viscéralement attirée par la Nature, et préfère passer du temps à contempler des insectes ou à se baigner nue dans la rivière qu’à essayer de se sociabiliser.
Un jour, c’est le choc : elle rencontre une personne qu’elle est totalement incapable de « sentir ».


A partir de là s’enchaîneront rebondissements sur rebondissements, jusqu’à la révélation finale de sa véritable nature, qu’elle finira par accepter et embrasser totalement. A la manière de Princesse Mononoke, Abbasi a l’élégance de ne pas prendre parti dans ce scénario qui oppose d’une certaine manière les Hommes et la Nature. Il filme néanmoins sa créature avec une sorte de proximité bienveillante, et c’est bien par l'intermédiaire de Tina qu’il arrive à injecter une certaine poésie dans cet univers autrement assez froid.


Même si le réalisme psychologique est là, on regrettera l’utilisation de ces prothèses faciales qui figent les expressions des acteurs, gâchant quand même certaines scènes qui auraient pu être beaucoup plus chargées en émotions.
D'ailleurs le manque d'émotion est précisément le plus gros défaut du film, à mon sens. Les diverses découvertes "choc" méritaient d'être délivrées avec un peu plus de punch. Au lieu de ça, l'atmosphère reste planante, voir onirique.


Avec tout ça, The Border est loin d’être un chef d’œuvre mais reste un petit bijou de réalisation qui a le mérite d’explorer un thème original, voire carrément inattendu. Abbasi a relevé le défi de parachuter dans le « monde réel » une créature appartenant habituellement à la Science Fiction, et ce sans jamais verser dans le ridicule. Pas mal du tout.


Pour certains, ce film sera l’occasion de faire un cinéclub entre potes et de se moquer de la protagoniste et des scènes « intimes ». Pour les autres, Border sera l’occasion de réfléchir sur le thème de la différence. La vraie. Pas celle qui communautarise, mais bien celle qui plonge les individus dans une profonde solitude.

-Elle
7
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le 13 oct. 2019

Critique lue 189 fois

-Elle-

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