Énième polar cup of tea qui joue sur les codes usées des films de gangsters post-Tarantino comme Arnaques Crimes Et Botanique, Braquage A L’Anglaise n’insufflera pas le renouveau dont le cinéma anglais, les films de braquage et Roger Donaldson ont tant besoin pour devenir excitants. Et malgré l’enthousiasme de certains critiques, il tombera même impitoyablement dans les oubliettes nébuleuses des séries B du samedi soir.

« Le meilleur film de braquage depuis Ocean’s Eleven » pouvait-on lire imprimé fièrement sur les affiches de Braquage A L’Anglaise, citant là un court extrait de la critique a priori positive du magazine Première. Cette petite citation, sur l’affiche d’un film aussi anodin que celui-ci, a de quoi laisser perplexe et pour tout dire, inquiète un peu. Tout d’abord parce qu’elle érige Ocean’s Eleven comme la dernière référence du genre, malgré l’antipathie absolue du film où une bande de stars masculines, belles et riches, s’amusent à rappeler au spectateur à quel point il est laid et pauvre, en jouant de leurs images, dérision et frime à l’appui. Ensuite, parce que si ce genre un peu routinier qu’est le film de braquage, au cours des dix dernières années, n’a pas trouvé mieux que le pénible film de Soderbergh ou ce très anecdotique Braquage A L’Anglaise, on peut légitimement le considérer comme révolu. Et enfin, parce que ce genre d’axiome issu de la presse, dont les distributeurs se servent pour décorer les affiches qu’ils placardent un peu partout en France, en dit long sur l’état de la critique française, sur sa mollesse intellectuelle, sa pauvreté culturelle et ses agaçants systématismes qui la poussent à succomber à l’attrait de la petite phrase toute faite et de la formule définitive bouffie d’autosatisfaction. On imagine les rédacteurs jubiler à l’idée que leur prose puisse partiellement se retrouver le long des couloirs de métro, ornant un de ces hideux posters promotionnels. Pire, à les lire, on peut soupçonner que c’est là leur unique ambition. Ce qui serait assez misérable, n’est-il pas ?

On objectera que c’est la jalousie et le ressentiment qui nous poussent à être si agressifs puisque, officiant sur un support Internet, nous sommes considérés comme des critiques « amateurs », et que toujours on nous opposera aux critiques dits professionnels. Mais avouons qu’il y a de quoi être agacé de voir les « pro » s’engouffrer confortablement dans les tares du professionnalisme tandis que nous luttons dans l’indifférence pour maintenir un semblant de vision idéologique sur le cinéma. Car le professionnalisme, qu’est-ce que ça donne ? Braquage A L’Anglaise justement (vous pensiez qu’on n’en parlerait plus ?). Soit un film dont on devine l’intention des producteurs de surfer sur la vague déjà plus très fraîche du polar britannique nouvelle génération, façon Guy Ritchie, avec galerie de rôles hauts en couleur, bande son rétro et branchée et découpage dynamique à grand renfort de travellings sophistiqués, de contre-plongées et d’effets ralentis/accélérés. Tout cela était déjà très poussif à l’époque, alors de voir aujourd’hui cette formule appliquée paresseusement par le vétéran australien Roger Donaldson, « auteur » entre autres de Cocktail, qui semble plus remplir son cahier des charges que véritablement construire son film, provoque une certaine lassitude.

Il y a une chose que les cinéastes impersonnels (catégorie à laquelle Donaldson répond parfaitement) ne comprendront jamais, c’est que s’ils ne sont pas eux-mêmes un minimum intéressés par ce qu’ils filment, ça ne nous intéressera pas non plus. Et manifestement, cette histoire de pieds à peine nickelés qui, en forant les coffres d’une banque d’apparence banale, vont se retrouver en plein méli-mélo impliquant mafieux, activistes noirs, trafiquants de drogue, pornographes, mères maquerelles, Lords et membres de la famille royale (rien moins !), n’inspire pas grand-chose à Donaldson, tant ce dernier semble en fuir le moindre enjeu. Alors le scénario a beau sortir la mention « Based on a true story », les acteurs, menés par le bien nommé Jason Statham, s’évertuent à exécuter leur numéro de personnages atypiques et l’opérateur s’obstine à cadrer obliquement… jamais tout cela ne dépasse le stade du téléfilm convenu. Il manque l’essentiel : un regard, même modeste, qui guiderait le nôtre. C’est le triste piège que tend le professionnalisme à ceux qui jouent selon ses règles : réduire le réalisateur, ou le critique de cinéma, à l’état de fonction et dévitaliser tout ce qu’il pourrait faire. Au moins l’amateurisme, même maladroit, sera toujours vivant.

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Auteur : Wesley
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le 12 oct. 2012

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