Pour lancer le visionnage de Buried, il faut avoir une sacrée âme d’aventurier. Vouloir regarder Ryan Reynolds se tortiller durant une heure et demie dans une caisse prouve la témérité et la pugnacité du spectateur. Oui, toi lecteur, qui est venu sur cette bafouille je salue ton courage d’avoir su dépasser tes (probables) préjugés sur un tel film pour te lancer à corps perdu dans ce qui peut s’annoncer comme le huis-clos ultime au sens spatial du terme.


Propulsé au côté de Paul Conroy, un conducteur de camions pour une société américaine, dans un cercueil au milieu du désert irakien sans autre formes d’explications. Le pitch du film clair et concis amène le spectateur à découvrir les tenants et aboutissants de l’intrigue en même temps que le claquemuré. Une unité de lieu, une unité de temps et un personnage, voici le savant mélange mis en boite par Cortès pour proposer un film atypique et haletant.


Rodrigo Cortès montre qu’il maitrise son espace filmique en s’affranchissant des limites spatiales du cercueil, arrivant à exploiter chaque centimètre carré de la boite. Il arrive en une heure et demie à instaurer une certaine tension tout au long du film par l’étroitesse des lieux qui met les nerfs à fleurs de peau et par l’impuissance du protagoniste face à la réalité de sa situation : coincé, son sort n’est lié qu’au bon vouloir des personnes extérieures de l’en sortir ou non. Le réalisateur instaure une liaison constante avec le monde extérieur créant de fait une connexion entre deux espaces, l’un fermé, l’autre ouvert, l’un étant la source de tous les possibles, de tous ses fantasmes, l’autre la source de toutes ses angoisses. La réalisation arrive à produire des plans assez travaillés permettent de jouer habilement sur la claustrophobie et l’angoisse d’une telle situation en amenant des gros plans sur le visage du protagoniste lors de moments cruciaux. Le caractère empirique de sa situation aura l’occasion d’éprouver à loisir l’instinct de survie du claquemuré. Usant du téléphone comme lien avec la surface, il est son salut pour s’en sortir. En effet, l’utilisation des objets (téléphone, briquet) est intelligente et permet de fait de recontextulaiser l’homme moderne dans sa solitude la plus poussée, suspendue au bon vouloir des appels téléphoniques de ses ravisseurs ou de diplomates américains. L’un des maitres mots de ce film est sans aucun doute dépendance car sans les personnes extérieures, Conroy est condamné à rester en boite.


Durant cette heure et demie, nous aurons les mêmes sens que Conroy, découvrant à travers ses yeux l’horreur de la situation et ressentant avec lui l’expérience traumatisante de l’enfermement. Les mêmes peurs seront palpables avec l’intrusion dans la caisse d’un serpent : promiscuité malsaine avec ce symbole du mal et de l’avènement de la mort dans la religion chrétienne. Symbole de l’omnipotence de la nature sur l’Homme dans cette histoire, il arrivera à se mouvoir à travers les trous des planches du cercueil pour atteindre les couches de sable attenant au cercueil.


Petit bémol par contre en ce qui concerne Ryan Reynolds, dont la performance assez singulière de tenir un rôle aussi longtemps dans un espace aussi restreint reste tout à fait louable mais dont le charisme, proche de celui d’un poulpe mort, est assez handicapant pour un film dont il est le seul personnage visible à l’écran. Le film marqué du sceau d’un concept original s’englue aussi maladroitement dans la suffisance narrative avec des incohérences et assez peu de rebondissements pouvant relancer l’angoisse du spectateur. Film minimaliste, Buried ne repose quasi exclusivement que sur son concept original et sur l’exploitation de la diégétique de son personnage. Le spectateur doit pouvoir éprouver de l’empathie pour Paul Conroy afin de ressentir son désarroi et sa détresse émotionnelle mais avec un manque d’expressivité faciale de Reynolds et une lisibilité de l’intrigue qui s’effiloche au fur et à mesure que le récit s’avance, cette faculté typique des drames se perd lentement jusqu’à s’évanouir.


Le film se révèle être en filigrane une critique incisive de la real politik américaine dans les pays du Moyen Orient qui a bafoué les principes de morale et d’éthique lors des guerres du Golfe au profit de l’intérêt national et de la mondialisation avec la mise en perspective sous-jacente de la balkanisation des conflits à travers le globe. Cynique à souhait, Buried arrive à transcender son concept original pour créer un film tragique et anxiogène.

Jokalex
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le 2 déc. 2015

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