[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]


Dommage, vraiment, dommage.


Burning me plaît beaucoup plus après l'avoir vu que pendant la séance. À force d'en parler apparaissent les nombreuses mailles d'un scénario complexe traversé par des thèmes divers. Certain.e.s y ont vu (et de manière évidente) une histoire de trafic d'organes, sujet évoqué par la mère du personnage principal (Lee Jong-soo, interprété par Yoo Ah-in) et qui expliquerait la disparition de Hae-mi (Jeon Jong-seo) et la fortune de Ben (Steven Yeun). D'autres une parabole sur les deux Corée, le riche Ben symbolisant le capitalisme américain et par extension la Corée du Sud, le rural Jong-soo qui de sa ferme entend les hauts-parleurs de propagande, la Corée du Nord, et Hae-mi, entre eux deux, la frontière, qui brûle peut-être - ou pas. D'autres enfin ont souligné l'ambiguïté de l'intrigue : peut-être que Ben n'a pas tué Hae-mi, que l'aspirant écrivain Jong-soo s'est contenté de le fantasmer. (Je suis moins séduit par cet aspect, parce que malgré les explications alternatives proposées pour la disparition de Hae-mi, les indices qui accablent Ben (la montre, le chat...) me paraissent suffisamment nombreux pour trancher.)


Malheureusement, je n'ai pas apprécié le film quand je l'ai visionné. La faute au début, et aux personnages de Hae-mi et de Jong-Soo, auxquels je n'arrivais pas à me solidariser. Des personnages totalement isolés, qui semblent ne jamais parler à personne, jusqu'à ce que Hae-mi, qui danse en mini-jupe sur un marché, reconnaisse par hasard Jong-soo, un livreur en sweat pas très sexy et qui jadis l'avait traitée de « moche », puis... se jette sur lui, lui offre son corps et lui donne les clefs de son appartement. Sans surprise, Jong-soo dira plus tard à Ben qu'il est amoureux de Hae-mi - leur relation est quasiment inexistante, exclusivement en présence de Ben depuis l'apparition de celui-ci, mais bon, il ne fréquente personne d'autre. Pas même la police, qu'il aurait pourtant été judicieux de contacter plus d'une fois.

Ne trouvant pas d'intérêt dans ces personnages, je me suis plutôt ennuyé, et par exemple la « scène poétique », où Hae-mi fait l'oiseau à moitié nue devant le coucher de soleil, m'a laissé de marbre.
Une autre scène a entériné ce manque d'adhésion, celle au cours de laquelle Jong-soo file Ben en voiture. Sa camionnette est facilement reconnaissable, surtout sur les routes désertes qu'ils empruntent. Donc, soit Ben ne le repère pas et c'est difficile à avaler, soit Ben le repère et se joue de lui, mais alors je ne vois pas ce qu'apporte la scène.


Lee Chang-dong et son co-scénariste Oh Jungmi multiplient ainsi les éléments qui n'aboutissent à rien, ne se résolvent jamais, dans une esthétique du non-dit et de l'esquive, qui ici m'a lassé - le téléphone qui sonne sans personne au bout du fil, par exemple, ou les intrigues secondaires avec les parents de Jong-soo qui ne mènent nulle part. Le scénario recourt cependant aussi avec adresse au procédé de préparation/paiement (le fait d'introduire un élément qui servira plus tard : le reflet de la tour, le chat, l'armoire de couteaux, etc.), tout au long du film, ce que j'ai apprécié. Et puis j'ai beaucoup aimé les démonstrations de pantomime !

Rometach
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le 22 mai 2018

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Rometach

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