J'ai lu je ne sais plus où - ou alors on me l'a dit - que le responsable des enregistrements voyeurs et menaçants était le fils du couple. C'est possible (dans le dernier plan on le voit parler au fils de Majid - ils seraient tous deux coupables ?) mais j'ai tout de même l'impression que le fils en veut plus à sa mère qu'à son père, alors que c'est bien le père qui affronte la situation. Je pense plutôt que de la même manière que l'on ne saura pas si Anne/Binoche trompe son mari avec son ami Pierre, on ne saura pas qui a filmé. Peu importe sans doute, puisque ces enregistrements sont un MacGuffin ; l'important c'est ce qu'ils provoqueront. Plus qu'à Lost Highway auquel il est souvent comparé, Caché me fait penser à Identification d'une femme : même menace diffuse et inexpliquée, et même cadre social. Bien sûr Haneke n'est pas Antonioni, l'un est hitchcockien, l'autre est éthéré. Et puis il y a l'obsession moraliste de l'Autrichien, mais finalement y a-t-il une vraie leçon à tirer de cette histoire ? Le personnage de Daniel Auteuil n'est pas un salaud et il n'est pas accablé par le film, mais c'est lui qui en définitive pose la question morale : voulant cacher sa propre culpabilité, il ne place ses rapports avec Majid et son fils que sous le prisme de l'accusation. C'est là que Haneke est fin parce qu'il fait de son personnage l'instrument même de son accablement. Personne n'est dégueulasse dans ce film, on n'est pas chez Franco, Vinterberg ou Östlund, il ne s'agit finalement que d'un homme face à sa conscience. Et puis il y a un talent de cinéaste formidable, une mise en scène qui, par un jeu de rimes (les plans dans le couloir de la HLM, dans la voiture, et bien sûr l'extérieur de la maison), se fond dans l'indéterminé - qu'est-ce qui est vrai ? qu'est-ce qui est faux ? - et parvient ainsi à un réalisme saisissant. Peut-être que la limite de ce film, et du cinéma de Haneke puisque c'est son film que je préfère, tient précisément dans ce qui fait sa force : tous les plans tendant à se confondre avec le regard objectivant de la caméra du voyeur, il ne reste que peu de place pour la poésie. Il y a je trouve davantage de surprises dans Happy End mais ce dernier film n'a pas la précision mathématique et implacable de Caché. Et puis je ne me souvenais pas que ce film glaçant était drôle par moments : la scène avec Podalydès, et puis la dissertation alcoolisée sur la fin de l'histoire.