Hé les pauvres, faudrait pas croire que les "people" soient si heureux ou puants que ça, hein !

Eux aussi, ils ont des difficultés, revers, malheurs et même chagrins d'amour, figurez-vous, mais ils les prennent avec humour ! C'est ça le message implicite de Café Society ?
Le dernier Woody Allen est une comédie déconcertante, insaisissable, pleine d'ironie.
Les personnages de cette café society, qu'on soit à Los Angeles dans le monde du cinéma hollywoodien ou à New York City dans celui des nightclubs à la mode, sont tous peu ou prou superficiels (frelatés, faux, inauthentiques), jouent un numéro, se comportent de façon artificielle ...
Cela donne un film souvent drôle (genre humour juif), léger, enlevé, plein d'autodérision et qui, néanmoins, baigne dans la mélancolie. Woody Allen a 81 ans. Le climat faussement joyeux de son tout récent opus s'en ressent ; le réalisateur a bien dû penser, en l'écrivant et le dirigeant, qu'il n'y en aurait peut-être pas beaucoup d'autres ensuite.
Sinon, techniquement, rien à reprendre : la photographie, la bande son, le montage sont vraiment nickel chrome. Côté interprétation, par contre, les 3 acteurs principaux (Jesse Eisenberg, Kristen Stewart et Steve Carell) donnent l'impression de n'être pas toujours très à l'aise dans leurs personnages respectifs (Bobby, Vonnie et Phil) , particulièrement Jesse Eisenberg. Dans la deuxième moitié du film, il surjoue souvent (volontairement ?), faisant de Bobby quelqu'un d'artificiel, de vidé de lui-même et en permanente représentation (j'ai aussi eu l'impression qu'il avait une sorte de complexe niveau taille, comme s'il souffrait d'être petit ou de ne pas avoir l'épaisseur ou l'envergure de Steve Carell, son oncle agent de stars). Kristen Stewart s'en tire mieux avec le personnage de Vonnie. Il est vrai qu'elle est devenue, au fil des nombreux films tournés, une remarquable actrice, une des meilleures de sa génération.
Je peine à juger ce Café Society. Il est le fruit de l'immense expérience cinématographique et humaine d'un réalisateur de talent, mais qui commence à se faire vieux et qu'on sent, même s'il s'en défend, plein de regrets du temps passé, de sa jeunesse enfuie, du Bronx et du Hollywood d'avant la Deuxième Guerre Mondiale. J'ai apprécié le film, je le juge plutôt bon, mais il me laisse un sentiment mitigé sur sa signification. Est-ce une critique de la café society d'alors (renommée, je crois, dans les années 60 : jet society puis, 40 ans plus tard, monde des people) ? J'ai plutôt l'impression que c'est une tentative de reconstitution de ce monde, qu'Allen a voulu faire revivre cette époque (qu'il a presque connue puisque né en 1935) et qu'il l'a décrite avec humour, autodérision et néanmoins tendresse, en nous laissant un message final assez mélancolique : au départ, on rêve d'une certaine vie et puis souvent, on en vit une autre, dont il faut bien se contenter (tout en regrettant celle qu'on avait rêvé d'avoir). En somme, une mélancolie de fin de parcours, de quelqu'un qui cracherait bien dans la soupe mais qui, conscient quand même d'avoir été abreuvé d'honneurs, a scrupule à le faire. Et une façon pleine d'humour de dire au tiers état d'aujourd'hui (la cohorte de ses spectateurs) : "Il m'est revenu aux oreilles que vous n'êtes pas très heureux dans votre vie, mais rassurez-vous, moi non plus".

Fleming
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le 13 mai 2016

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