Woody Allen, le rendez-vous annuel. C’est connu, il ne se passe quasiment aucune année sans que Woody nous gratifie d’un nouveau métrage réalisé par ses propres soins. Parmi mes derniers visionnages, il y a eu Midnight in Paris (2011), et le plus récent Magic in the Moonlight (2014). Deux séances agréables et empreintes de romance, notamment pour le second que je me suis permis de revoir depuis la première fois au cinéma. Cette année, Woody ouvre le festival de Cannes avec son tout nouveau Café Society.


D’un point de vue strictement subjectif, tout commençait très bien. Déjà, mes précédentes expériences cinématographiques avec les films de Woody Allen s’étaient soldées sur de relatifs succès. Ensuite, le réalisateur nous plonge d’emblée dans les années 30, alternant entre le quotidien d’une modeste famille juive new yorkaise, et la mondanité hollywoodienne, en plein âge d’or du cinéma. Ce fut d’ailleurs un plaisir d’entendre ces nombreux références à des acteurs et réalisateurs d’époque tout au long du film, comme Paul Muni (Je suis un évadé), James Cagney et Jean Harlow (L’Ennemi Public), Bette Davis (Eve), Barbara Stanwyck (Assurance sur la mort), ou, pour finir, l’éminent David Wark Griffith (immense réalisateur des années 1910 avec notamment Naissance d’une nation, Intolerance, et Le Lys Brisé). Des références qui, je l’avoue, m’auraient totalement échappé il y a encore deux ans, mais qui témoignent également d’une volonté de Woody Allen de rendre hommage à des figures emblématiques du septième art aujourd’hui bien souvent oubliées, et également d’une certaine nostalgie envers les décennies 1920-1930 que j’aurais tendance à partager, bien que n’ayant pas vécu à cette époque.


Passé ce petit encart historique, parlons un peu du film. En soi, il n’y a pas énormément de choses à dire. Non pas que Café Society soit vide ou inintéressant, mais qu’il est surtout très académique sur sa forme et très classique sur son fond. Tout d’abord, les problématiques qu’il aborde sont relativement habituelles. Comme souvent, Woody Allen s’intéresse aux aléas et à l’aspect imprévisible de l’amour, en confrontant son personnage principal à des situations souvent difficiles, voire gênantes, le mettant en permanence face au doute. L’invocation d’un triangle amoureux vient complexifier ce tableau afin de donner du relief à ses personnages et à créer des antagonismes latents entre eux. A cela s’ajoute la question de l’influence de l’argent sur le monde, tant par son attrait que par son utilisation. Ici, l’argent est manifestement le nerf de la guerre, c’est ce que cherche notre protagoniste en allant postuler à Hollywood chez son oncle, et c’est ce que dernier utilise pour mener une vie dorée au milieu du gratin hollywoodien.


La morale, c’est que l’argent mène les gens comme des marionnettes. L’argent suscite des intérêts, qui les pousse à agir en conséquence, et ainsi tourne le monde. Est-ce une vérité universelle ? Ce n’est pas vraiment l’objet de cet article, mais c’est une question tout à fait intéressante qui mérite réflexion. Et si, ici, le thème est abordé de manière relativement prévisible, le charme du film n’est pas brisé. Comme à son habitude, Woody Allen nous a gratifié d’un casting de choix, avec deux jeunes acteurs en tête d’affiche, et un vétéran en pleine ascension pour compléter le trio. Loin de Twilight, Kristen Stewart apporte ici une forte touche d’ambivalence, grâce à sa douceur attendrissante, qui n’empêche pas de cacher une certaine cruauté instinctive poussée par sa volonté de défendre ses intérêts. En face, Jesse Eisenberg est ce jeune homme timide auquel tous les jeunes spectateurs masculins (moi compris) sont à même de s’identifier, dans la volonté de réussir et le manque de confiance dû à l’âge. Enfin, Steve Carell est toujours irréprochable et trouve très bien sa place dans le film. Je souhaitais également faire une mention spéciale à Corey Stoll, un second rôle solide en tant que mafieux notoire, qu’on a déjà vu en tant qu’Ernest Hemingway dans Midnight in Paris, et en méchant dans Ant-Man. Une « gueule » que j’aimerais voir plus souvent au cinéma.


De ce Café Society, je garderai un bon souvenir, pour sûr. Inoubliable, probablement pas. Comme dit précédemment, Café Society suit des codes très habituels et, malgré une copie satisfaisante, ne défraie pas la chronique. Une belle esthétique, un beau et judicieux petit plan-séquence inaugural, de l’humour, un casting riche et à la hauteur, s’il ne réalise pas de coups d’éclat, Woody Allen joue la carte de la régularité, et c’est tout à son honneur.


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le 21 juin 2016

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