La comédienne et réalisatrice Noémie Lvovsky remonte le temps comme elle remonterait un très vieux mécanisme horloger découvert dans un vide-grenier, objet suranné, ringardisé par la technologie, et au mode d'emploi incertain. Car Camille, le personnage campé par Noémie, ne voyage pas dans un vaisseau sophistiqué, en mettant à profit les avancées dernier cri de la technologie, son corps de quarantenaire dépressive est son vaisseau, et c'est son émotion exacerbée qui le pilote. Camille fuit son présent désastreux, au sens propre, elle le laisse devant pour retourner derrière, fuit pour oublier, fuit par lâcheté et par dépit, fuit pour comprendre comment l'amour s'enfuit, comment les promesses d'hier ne résistent pas au temps. Car c'est bien cela qui taraude la réalisatrice dans chacun de ses films, comment la légèreté des sentiments, leur beauté initiale, leur innocence primordiale, se plombent inévitablement, au gré des jours, comment les jours usent une histoire d'amour, ou comment ses protagonistes en oublie leurs pieuses promesses. Camille ne comprend pas son Éric d'aujourd'hui, alors elle veut revoir son Éric d'avant. Mais comme le souligne Jean-Pierre Léaud, en horloger philosophe dans le film, le passé n'existe pas, il n'est pas derrière, il n'est pas, il est juste souvenirs, on n'y retourne pas. Camille bat cette certitude puisqu'elle actionne sa machine à remonter le temps des émotions, et l'état dépressif du présent succombe au bonheur de renouer avec un passé redécouvert, comme une exploration nouvelle. La fine trouvaille du film est que Camille garde son corps et sa conscience de quarantenaire pour vivre ce voyage au coeur de son adolescence. Ce qui démarre comme un drame de la séparation se mue en un teen movie amélioré, sans lourdeur et piqué de drôlerie, à la fois attachant et profond. Inévitablement on songe à "Peggy Sue s'est mariée" de Coppola, et le clin d'oeil nostalgique de la réalisatrice sur un certain cinéma américain qu'elle aime est un bel hommage.