En 1992, Candyman fait sa première apparition au cinéma. Adaptation d’une nouvelle de Clive Barker “The Forbidden”, il est réalisé et écrit par Bernard Rose. Le succès du film va engendrer deux autres volets des plus dispensables. 29 ans plus tard, une suite dans l’air du temps sort sur nos écrans. Elle est mise en scène et écrite par Nia DaCosta avec la collaboration de Jordan Peele.


Candyman 2.0


Candyman est annoncé comme une suite. Au fil de l’intrigue, le film se révèle être un remake abordant diverses thématiques sociales concernant les afro-américains, à travers son boogeyman. C’est surtout une suite de clichés et caricatures avec une touche sanguinolente.


Au premier abord, le film semble vouloir valoriser les afro-américains. On nous présente un couple qui a socialement réussi et qui réside dans un quartier en pleine gentrification. Une évolution sociale qui s’accompagne d’un entourage cosmopolite et intellectuel. Après tant d’années de souffrances, ils prennent leur revanche à travers Candyman venant éliminer les descendants d’esclavagistes. Une violence proportionnelle à celle subie durant des siècles par le prisme du cinéma. Une violence qui ne peut compenser les exactions et humiliations subies dont les esprits et corps en portent encore la souffrance, à travers la transmission générationnelle.


Au fil des minutes, les masques se fissurent. Anthony (Yahya Abdul-Mateen II) se montre violent et incapable de contrôler ses émotions. Il se réfugie dans l’alcool puis fuit ses responsabilités face à Brianna (Teyonah Parris), le maternant au point de l’entretenir financièrement, ce qui émascule l’homme fragile qui sommeille en lui, en l'absence d’une figure paternelle. Auparavant, il était représenté comme un homme noir et fort, à travers sa nudité puis face à la bibliothécaire à lunettes, blanche et blonde, qui se pâme devant sa virilité affirmée qui n’est que de façade.


Dans sa représentation de la famille afro-américaine, le film se montre caricatural. Des afro-américains accusant les blancs d’être la cause de la gentrification, alors qu’ils en sont eux-mêmes résidents, ce que va faire remarquer le petit ami blanc du frère gay. Ce dernier étant aussi une caricature, comme la bibliothécaire citée auparavant.


Le film ne brille pas par sa subtilité. Certes, nous ne sommes pas dans une étude sociologique, même si l’intrigue se déroule à Chicago, berceau d’un grand courant de sociologie urbaine. Mais en abordant des thèmes sociaux, on peut s’attendre à une réflexion sur l’évolution de la société américaine, en pleine repentance envers une population qu’elle n’a eu de cesse de stigmatiser à travers des violences aussi bien psychologiques que physiques.


L’ange de la vengeance


Candyman est un ange exterminateur. Il vient rendre justice à un peuple opprimé durant des siècles. Il est la main vengeresse où plutôt le crochet de la justice. Il est la victime des violences policières, de ce mal qui gangrène nos sociétés sous le regard bienveillant de nos dirigeants. Un ange exterminateur qui prend les âmes des blancs.ches invoquant son nom, mais va aussi prendre celui des noirs. Il tue sans faire de distinctions, à moins que cela soit une manière d’éviter d’être taxé de racisme. Idem pour la scène des toilettes dans le collège avec ses cinq adolescentes dont l'une asiatique fuit avant de le prononcer une 5ème fois, laissant les quatre blanches se faire éviscérer pendant qu’une adolescente noire reste muette dans les toilettes.


Jordan (horri)Peele


Depuis Get Out, le surestimé Jordan Peele enchaîne les réalisations, scénarios et productions ne reposant que sur la souffrance des afro-américains dans une Amérique continuant de les tuer avec l'aval de leurs politiciens et même jusqu'au sommet de l'État sous la présidence de Donald Trump, ce qui était déjà le cas sous les présidences précédentes de Ronald Reagan aux George W. Bush, en passant par Barack Obama.


Comme Blumhouse, il exploite un filon lucratif, qu’il est en train de saigner à cause de son incapacité à évoluer, au détriment d’une réflexion sur le rapport entre les noirs et les blancs dans son Amérique. Il se repose sur la recette de Get Out avec ses personnages caricaturaux qui sont une suite de clichés désastreux avec le frère gay, les blancs cupides ou les artistes écorchés (à) vifs.


Nia DaCosta


Nia DaCosta se prend constamment les pieds dans un sujet qu’elle ne maîtrise pas, tentant vainement de l'intellectualiser sous l'influence de Jordan Peele. Il lui souffle à l’oreille sa rhétorique redondante sur les “méchants” blancs qui tuent les “gentils” noirs.


Sa représentation de l’homme blanc, à travers le galeriste mature qui se tape ses jeunes stagiaires, nous ramène à R. Kelly ou Bill Cosby. Car, cela risque de choquer, mais les blancs n’ont pas le monopole du crime, ni même de l’esclavagisme où des génocides. Sinon, ce serait simple, on élimine tous les blancs pour éradiquer la violence sur notre planète. Malheureusement, où fort heureusement, on ne vit pas dans un monde des plus simpliste. Sauf que parfois, le cinéma simplifie la réalité pour mieux (des)servir son propos.


L'homme noir dans le cinéma d’épouvante


Dans les films d’horreur, le personnage noir avait tendance à être sacrifié très rapidement, au point d’être la première victime. L’époque étant en pleine (r)évolution, ce schéma est révolu, du moins, en apparence. Ce procédé obsolète témoignant d’un racisme latent, reprend sa place devant la caméra des cinéastes noirs.es le reproduisant avec un personnage blanc. Au lieu de démontrer une évolution et de ringardiser leurs prédécesseurs, ils ne font que pratiquer un copier/coller dont Us de Jordan Peele en est une des preuve les plus navrante, même si on éprouve une certaine satisfaction face au sort d’Elisabeth Moss sur du N.W.A..


Le cinéma, comme d’autres formes d’arts, sert d’exutoire à la violence subie durant des siècles. 12 Years a Slave de Steve McQueen était une réussite, ainsi que The Underground Railroad que ce soit l’ouvrage de Colson Whitehead où la série de Barry Jenkins. Ils racontent l'innommable à travers des œuvres puissantes avec une réflexion sur le comportement des blancs mais aussi des noirs, sans occulter le fait qu’ils sont victimes d’un racisme systémique toujours en place de nos jours, sous une forme plus psychologique.


A l’opposé, le cinéma de Jordan Peele est similaire à celui de Tyler Perry, c'est à dire un produit de consommation délivrant son lot de sang ou de rires, à un niveau de plus en plus affligeant. A force de vouloir reproduire le comportement problématique des blancs envers les noirs, ils desservent leurs propos et ce n’est pas un sticker Black Lives Matter sur le sac d’une jeune collégienne noire qui va leur donner une légitimité. C’est comme en NBA ou NFL avec leurs mots sur leurs casques ou terrains, pour tenter de nous faire croire que cette cause sociale leur tient à cœur, alors que c’est surtout une manne financière, comme pour Jordan Peele.


Enfin bref...


Jordan Peele n’est pas encore persona non grata, du fait d’une omniprésence dans ce type de productions, mais force est de constater que les films et séries où n'apparaît pas sa patte se révèlent plus réflexifs et éprouvants, comme Them.


Le cinéma d’épouvante reste une de mes passions. Cette année, il est rarement satisfaisant, à de rares exceptions comme La nuée, Teddy voire Saint Maud. Malgré cette nouvelle déception, même si mon attente était moindre, je vais continuer à me faire du mal en me rendant dans les salles obscures avec un Halloween Kills dont la réputation n'est déjà pas très flatteuse.

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le 9 oct. 2021

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Laurent Doe

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