Commençons par le fond. Je n’ai personnellement pas saisi ce que l’auteur voulait nous dire : que vivre coupé du monde rend fou ? Les dégâts d’une éducation trop orientée ? L’horreur de la consanguinité ? Le scénario, qui semblait s’apparenter à un remake du Théorème de Pasolini, ne confirme aucune piste sérieusement. Ou n’en traite aucune avec suffisamment de force pour marquer le spectateur qui a déjà vu ces sujets abordés mainte fois. En particulier, Christina, l’intruse pourvoyeuse de services sexuels, ne sera pas au centre du récit comme l’élément détracteur de ce petit monde - ou pas assez. Pendant 1h30, on ne comprend pas vraiment ce qui pousse les personnages à agir comme ils le font, leur comportement semble constamment irrationnel. Voulu sans doute, mais une telle étrangeté ne fonctionne pas car elle n’est mise au service d’aucune idée forte.
Yorgos Lanthimos semble surtout vouloir choquer le bourgeois : nous avons donc droit à du sang qui gicle, à des scènes de sexe mécaniques au possible, à de l’inceste, furtivement à des images porno. Tout cela semble terriblement gratuit. Il y a aussi le rapprochement humain-chien, suggéré par le titre et confirmé par les scènes d’aboiement ou de lèche, mais là aussi le thème n’est pas bien exploité : sur ce sujet je recommande le beaucoup plus convaincant Dogman de Matteo Garone. Restent quelques trucs drôles, comme les mots réinventés (une excursion est une matière solide, un zombie est une fleur jaune)… peu à se mettre sous la canine tout de même. J’ai parfois pensé à du Ozon dans ses pires réalisations (par exemple, Dans la maison qui est une très faible décalque de Théorème).
Voilà pour le fond.
Un fond un peu faible, ou très orienté, ou carrément contestable, peut toutefois être compensé par une forme éblouissante : qu’on pense aux chefs d’œuvre d’Eisenstein ou de Kalatozov. Visiblement, Yorgos Lanthimos a voulu aussi impressionner par la forme : cadrages qui coupent les têtes, plans fixes évitant le plus possible le champ-contrechamp, caméra qui bouge assez peu. Voilà qui pourrait définir un style et, en effet, Canine n’est pas filmé de façon banale. Seulement voilà, la forme rejoint le fond – à moins que l’impression qu’on en a ne soit contaminée par ce fond : on ressent surtout de la part de l’auteur l’envie d’épater. Et c’est fort désagréable.
Le film a le bon goût de ne pas être trop long, mais je n’étais pas fâché de voir les 90 mn de ce truc très creux arriver à leur terme. J’avais déjà pressenti cela dans la bande annonce de Mise à mort du cerf sacré. Rudement bien fait de ne pas y être allé.