Vingt-deux ans après le cultissime nanar Virus Cannibale et avec 20 ans de retard sur l'extinction du genre Bruno Mattei revenait donc en 2004 avec non pas un, mais deux films de cannibales tournés en simultané par soucis d'économies pour le marché de la vidéo, Nella terra dei cannibali ( Cannibal of Death) et donc Mondo cannibale (Cannibale World). Visiblement peu préoccupé par l'écriture de son film Bruno Mattei nous livre une sorte de remake tardif, sauvage et non autorisé du Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato mais à l'ère de la trash TV. Si le film de 1981 interrogeait de manière pas toujours très subtile sur le voyeurisme des médias et du spectateur et sur la nature primitive des instincts sauvages à travers un film aux aspects documentaires qui tenaient la route, le film de Bruno Mattei qui ne prendra jamais la peine d'être un minimum crédible nous ressert le même discours en version grasse, passée sous une loupe, soulignée trois fois , surlignée en rose vif et avec des néons clignotants autour.
Cannibal World nous plonge donc dans l'expédition d'une journaliste arriviste menacée de quitter l'antenne si elle ne rapporte pas du reportage trash et bien saignant pour la chaîne sans scrupules qui l'emploi. A l'aide d'une équipe de bras cassés en quête de sensations fortes et du prix Pulitzer, nos aventuriers journalistes s'enfoncent dans la jungle amazonienne des Philippines en quête des pires cannibales jamais vus sur un écran.
Sans grandes surprises Cannibal World est un très très mauvais film dans lequel il n-y a presque rien à sauver, et si sa magnifique nullité prête bien souvent à sourire le film est bien loin d'avoir la même poésie hilarante que ce nanar de compétition que reste Virus Cannibale. Le film entièrement tourné en vidéo est déjà absolument immonde visuellement et de nombreuses scènes donne la sensation de se retrouver devant un vieux film de boules allemand , une sensation encore renforcée par une musique à peine digne d'un Marc Dorcel, des décors complétement cheaps, des comédiens tous plus mauvais les uns que les autres et une version française délicieusement aux fraises. Inutile aussi de chercher la moindre cohérence dans l'aspect cinéma vérité puisque Bruno Mattei filme tout absolument n'importe comment à la va comme je te pousse. La direction d'acteurs est inexistante et pour signifier la veule manipulation médiatique de reporters en quête de scoops notre bande d'aventuriers passent les trois quart du film à ricaner grassement le sourcil relevé devant les atrocités qu'ils filment et qu'ils provoquent. Car pour faire de l'audience et du buzz miss trash TV et son équipe vont carrément incendier et castagner des indigènes pour les regarder crever ou violer une adolescente avec des rires pervers de hyènes en rut. Amis de la poésie et de la nuance bonsoir , Bruno Mattei enfonce son message avec la subtilité d'un tractopelle conduit par un pachyderme. Et si vous n'aviez pas encore saisit la subtilité du message nous aurons droit au conseil d'administration de la fameuse chaîne de TV qui s'appelle TVN (oui comme la télé de Les Nuls) et qui fête au champagne les audiences records que lui procure la vision de figurants philippins forcés d'avaler des entrailles de poulet.
Effectivement le film est tellement laid, nul et surjoué que l'on pourrait facilement en rire sauf que Cannibal World provoque souvent un léger malaise quand on voit que Bruno Mattei dénonce de manière un poil hypocrite un petit peu tout ce qu'il fait de manière opportuniste et ridicule à l'écran. Bien sûr le film dénonce le voyeurisme d'un pseudo-reportage mais on a souvent la sensation en regardant cette journaliste complaisante incitant son cameraman à livrer des images de violence malsaine par pur gratuité et pour satisfaire le public d'entendre le réalisateur offrir plus ou moins les mêmes indications à son équipe technique. Certes tout ceci n'est que pure fiction , encore que l'animal dépecé face caméra ne sera pas tout à fait d'accord, mais le film possède le même côté un peu malsain, malaisant, gratuit et con que le reportage qui lui sert de sujet. Lorsque nos reporters à l'intégrité journalistique toute relative filment un fœtus piétiné, un viol de gamine ou des tribus grimaçantes autour d'entrailles fumantes c'est aussi par extension Bruno Mattei qui filme la même chose avec une intégrité de cinéaste toute relative elle aussi tant son film torché pour la vidéo n'a d'autres buts que de faire trash pour faire du cash. Encore une fois l'ensemble est tellement mauvais qu'il est difficile de le prendre au sérieux, mais il est loin d'être assez candide pour avoir toujours envie d'en rire.
Cannibal World est vraiment très mauvais, très moche et très con , c'est une sorte de version de Cannibal Holocaust par un nul pour les nuls et avec 25 ans de retard.
Ma Note Nanar : 03/10