Vient le mot « fin » et mon cœur bat encore bien vite, captivé qu’il a été par les deux heures qui viennent de s’écouler à la vitesse d’un lapin en retard. Le moment était d’une rare qualité, pourtant ils sont nombreux les films adaptés d’une histoire vraie qui se reposent…sur leur côté histoire vraie justement. Paul Greengrass n’est pas de ce genre, il a prit fermement son sujet en mains et en a construit un des films les plus haletants de ces derniers mois. Au point que tenter comme moi le coup du plateau télé devant ce film sera vaine tentative, puisque bien malgré moi j’ai passé mon temps rivé à mon écran, laissant refroidir mes deux délicieux plats tout prêts.

Captain Phillips est donc tiré de faits réels, ceux qu’ont vécu Richard Phillips et son équipage au large des côtes de la corne de l’Afrique. Le prologue, assez bref, montre le départ de Phillips de son home sweet home puis son embarquement aux commandes du Maersk Alabama, porte-containers américain de taille tout à fait honorable. Un peu comme un Smith aux commandes du Titanic, il reçoit des messages signalant des bandes de pirates Somaliens. Un peu comme un Smith aux commandes du Titanic, Phillips décide de ne pas dévier de sa route, convaincu que son équipage à signé pour les risques que côtoie se genre de route maritime. Un peu comme Smith aux commandes du Titanic, Phillips se retrouve aux prises avec des pirates lorsqu’il longe, isolé des autres navires, les côtes somaliennes, jusqu'à prendre la plus malheureuse des décisions...

Ce qui m’a réellement frappé sans que je m’en rende bien compte, c’est la qualité du rythme que Greengrass insuffle à son film. On peut dire que vous serez tranquilles dans votre fauteuil le premier quart d’heure, qui introduit rapidement et efficacement les personnages, mais dès que débute la première phase de l’abordage par les pirates, Greengrass passe la cinquième et enfonce le champignon pour ne le relâcher que deux longues et éreintantes heures plus tard. Entre deux, vous assisterez à un laborieux abordage, à un jeu de cache-cache à fond de cale, à une prise d’otage claustrophobique et à une négociation sans espoir, pour finir sur une intervention au millimètre. Cinq phases principales que Greengrass ponctue des phases de tension les plus crispantes et de quelques instants de repos subliminaux.

Si les pirates ont paru à certains surexcités et stupides, il faut se souvenir que la plupart d’entre eux sont à la base des pêcheurs en manque d’instruction et non des tueurs professionnels. Et si le film semble manquer de fond sur les relations entre le nord et le sud, il ne faut pas oublier qu’on est avant tout dans un film d’action sur une prise d’otage et pas dans le Blood Diamond d’Edward Zwick. Certains aspects secondaires frappent quand même, notamment la démesure des moyens humains et matériels mis en œuvre dans ces cas-là, il a fallu pas moins de trois navires de guerre, dont un porte-avions, pour secourir Richard Phillips. On est d’ailleurs frappé lors de ce plan qui montre en plongée les trois gigantesques navires à la poursuite du minuscule canot de sauvetage. Ces canots d’ailleurs, prévus pour être insubmersibles, sont à peine plus grands qu’un trou à rats et encore moins agréables qu’une chambre au formule 1. Pour la bonne bouche, on retiendra aussi le bon placement pub, de circonstance certes, pour le transporteur international Maersk, qui nous renvoi à l’autre placement dont avait bénéficié FedEx avec Seul Au Monde, quand on dit que l’histoire se répète…

Elle se répète à tel point qu’on y retrouve le même Tom Hanks totalement impérial, prouvant une nouvelle fois qu’il est un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma (z’êtes pas d’accord ?! Rien à cirer !), n’ayant pas besoin de jouer un paraplégique pour être subjuguant en capitaine de marine marchande. Il agit, réfléchit, souffre et s’effondre sur la fin, donnant à son rôle une épaisseur dont il est seul capable et, même si Tom Hanks n’a jamais été catalogué « sex-synbol », les années qui défilent lui réussissent. Que les Oscars ont décidé de le snober cette année ne change absolument rien à son talent et à cette performance, il faut juste se souvenir que Tom Hanks en a déjà quatre à son actif et que Leornado Di Caprio n’en a aucun.

Mon cœur a finalement retrouvé son rythme normal au fil de l’écriture de ce texte, mais j’en garderai le souvenir d’une histoire captivante, épuisante et narrée avec une efficacité d’une qualité que je n’avais jamais vu auparavant ou alors peu souvent. Faire un film d’action avec un Tom Hanks qui n’a rien d’un John McLane des familles tient du tour de force et montre combien Paul Greengrass sait faire beaucoup avec moins et à quel point Tom Hanks restera au Panthéon des acteurs. Ce film s’embarrasse de peu de considérations politiques c’est vrai, mais son propos n’est pas là et ce qu’il entend raconter, il le raconte merveilleusement, à vous de le découvrir.
Jambalaya
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le 3 févr. 2014

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