Le périple maritime du Maersk Alamaba démarre dans le port d’Oman. La région est connue depuis de nombreuses années pour être le théâtre d’une piraterie véhémente qui touche n’importe quel type de bateau. Cela oblige une surveillance militaire accrue de la part des Occidentaux. Le temps de Barberousse est terminée, c’est désormais la pauvreté qui guide des hommes sans peurs (et sans reproches).

Le capitaine Phillips travaille pour la marine marchande américaine. En Avril 2009, alors qu’il dirige son cargo près de la Corne de l’Afrique, des pirates somaliens abordent l’immense navire. Le capitaine et ses hommes doivent faire preuve de calme et de roublardise pour se défaire d’une situation psychologiquement insoutenable.

Paul Greengrass avait rendu célèbre l’utilisation de la caméra au poing avec les deux premiers Jason Bourne. Une innovation sur-utilisée aujourd’hui dans une tripotée de films que je considère avant tout comme un cache misère ou un manque criant de personnalité. Pourtant, le choix d’une telle mise en scène colle ici très bien à l’ambiance que tente de retranscrire le film. Sans pour autant en faire trop, le propos gagne clairement en réalisme. Il faut noter que le réalisateur s’est désaffranchis des codes en vigueur, chaque scène était débattue pendant 2h avant tournage pour ensuite être filmée en plan séquence, notamment sans repères au sol pour les acteurs. Une méthode efficace pour ne jamais se détacher du réalisme voulu et de la mise en scène sans chichi.

Tom Hanks joue une fois encore un personnage simple, un monsieur-tout-le-monde qui ne cherche pas à jouer au héros car il veut sauver la peau de ses hommes, sa cargaison et pourquoi pas la sienne. Avant de partir, il ressent le danger du parcours qu’il doit suivre. Les eaux ne sont pas sûres, il reçoit des alertes par mail qui le pousse à être rigoureux dans son travail et sur la sécurité.

Le réalisateur ne se penche que très peu sur le passif des pirates. On voit uniquement le recrutement de ce "commando" d’hommes chapeauté par un caïd local dont on ignore tout sauf le nom. On se concentre donc uniquement sur les événements, plus du côté américain cependant. La démarche permet aussi au spectateur de se sentir plus proche de l’histoire. Deux mondes complétement différents s’affrontent comme pour comprendre la décadence de notre système mondialisé actuel.

Phillips réussit à déjouer une première attaque, la dimension thriller est immédiatement ressentie et plonge le spectateur dans une contemplation anxieuse qui n’est pas près de se terminer. La petite bête ne mange pas la grosse parait il mais lorsque 4 hommes réussissent à grimper dans le cargo, il n’est définitivement plus possible de décrocher. On assiste alors à la première scène d’équilibristes. Dans la salle des commandes, les hommes armés menacent le capitaine et ses quelques subordonnés pour débuter un pillage perdu d’avance. Commence un jeu de cache cache à la tension mémorable. Phillips tente de gagner du temps pour ne pas emmener ses ravisseurs dans la salle des machines en improvisant sans cesse. La fragilité de la situation est complétement palpable et tout risque de partir en sucette au moindre pépin.

Le thriller parfait est en marche puis prend une tournure claustrophobique au moment où les pirates quittent le navire dans un bateau de détresse avec pour otage ce malchanceux capitaine Phillips. L’armée américaine localise le bonhomme et échafaude un plan pour sauver leur compatriote. On se rend alors compte de l’incroyable débauche de moyen nécessaire pour faire face à quatre pauvres types au milieu de l’océan. Les tentatives et les négociations sont interminables, le suspense est insoutenable et entretenu par le fait que la situation semble basculer dans le bon sens à plusieurs reprises.

Dans un propos pourtant pas fastoche, le réalisateur ne cherche pas à donner un avis manichéen ou prenant partie pour l’un des deux camps. Ce sont simplement les faits d’une situation rocambolesque, irrationnelle qui permet au spectateur de se poser des questions. Comment a-t-on pu en arriver à un tel bordel ? Que faire des somaliens vivant dans un pays gangréné par la pauvreté et la corruption ? Doit on prendre tant de risques pour transporter des marchandises ? Comme End of Watch ou Argo l’année passée, le "real cinema" prend tout son sens pour nous pousser à réfléchir.

Le thriller de l’année s’appelle Capitaine Phillips. Le suspense insoutenable et brillamment rythmé tout le long du film est une torture pour nos émotions. Les retournements de situations sont multiples, il n’est jamais possible de prévoir ce qu’il va se passer. Il suffit d’imaginer quelques secondes que ce fut une situation réelle pour comprendre l’horreur que doit ressentir un homme à ce moment là. La sincérité profonde qui émane de ce récit ne peut que bouleverser notre empathie et pourquoi pas faire verser une larme au terme de 2h15 sur le fil du rasoir. Et que dire de la magnificence de Tom Hanks transcendant l’humanité de son rôle ! Vu et approuvé mon capitaine.
ZéroZéroCed
8
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le 3 déc. 2013

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ZéroZéroCed

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