Des totos et des homos. La lutte des classes au pays des super-héros.

Alors, c'est un peu la mode en ce moment avec Batman VS Superman et Civil War : les gens normaux en ont grave marre de ces casseurs de super-héros. Avec le contexte politique récent en France, moi, ça me fait rire. J'ai pas vu Batman VS Superman, j'étais trop occupée à manifester, mais là j'ai profité d'une accalmie pour aller m'enfermer au ciné, parce que Civil War promettait plus de bromance, et la bromance, j'peux pas passer à côté.


Petit disclaimer d'abord, j'aime pas les comics, donc j'y connais rien, j'ai juste vu la plupart des marvel au ciné, voilà. Donc c'est pas une critique de fangirl. Pardonnez si j'ai pas compris quelques trucs.


Le film commence avec une scène de baston chiante, il faut le dire, où un groupe de super-héros essaye de rattraper un groupe de méchants qui ressemblent au GIGN version robocop-masque à gaz (ils ont le swag). C'est bon, ils les niquent, tout va bien, mais la petite qui fait de la télékinésie balance sans le faire exprès une grosse bombe dans un immeuble façon Daesh bien vénère. C'était un méchant terroriste qui la portait sur lui et voulait se faire péter avec Cap, la fille empêche la bombe de péter tout de suite et essaye de l'envoyer dans les airs pour sauver tout le monde mais elle se loupe. Du coup, les humains normaux - disons surtout les politiques, les seuls à s'exprimer dans ce film comme dans la vraie vie - commencent à en avoir marre de ces mutants qui foutent le bordel à chaque fois qu'ils sauvent le monde. Les dommages collatéraux, ça vaut que quand les soldats américains violent des femmes en Irak, pas pour les super-héros.


Miss Télékinésie s'en prend plein la tronche, alors qu'en vrai si elle avait pas été là, la bombe aurait pété quand même et en plus les méchants auraient obtenu l'arme bactériologique qu'ils venaient chercher. Allez comprendre la logique des gens. En fait, c'est pas vraiment les pertes humaines qui scandalisent les dirigeants du monde entier, mais plutôt le fait d'être face à une bande de super-héros qui n'obéit à personne d'autre qu'à elle-même. Ils sont plus ou moins du côté des Américains quand même - surtout Captain 'Murica lolz - mais on sait pas trop s'ils sont républicains ou démocrates -grands dieux il pourrait même y en avoir des socialistes, qui sait - ni quels intérêts ils servent vraiment.


L'idée des Nations Unies c'est donc de forcer tous les super-héros à signer un traité d'alliance avec eux pour les soumettre à leur autorité. De groupe relativement autonome, plus ou moins au-dessus des lois, ils entrent dans la légalité comme chiens de l'ONU. Les nouveaux casques bleus quoi. Ca fait envie quand on sait c'que l'ONU les envoie faire. Alors Tony Stark ça lui va bien. Normal, le gars est multi-milliardaire, ses intérêts coïncident parfaitement avec ceux des Etats-U... hum pardon, de l'ONU, donc ça change rien pour lui. Quelques autres fragiles sont d'accord aussi, mais Captain America ça le titille un peu. C'est marrant, parce que j'aurais pensé que ce type serait le premier à foncer tête baissée dans un tel traité d'alliance, mais en vrai il est moins con que je le pensais. Dans ce film, Cap est vraiment remonté dans mon estime.


Les Avengers discutent, se demandent s'ils doivent signer le traité ou non - sachant que s'ils ne le signent pas et se servent de leurs pouvoirs pour sauver le monde ou autre, ils se feront chasser comme des criminels. Les discussions sont pas mal, même si elles ne vont pas totalement au fond du sujet.


On leur reproche d'ignorer les frontières. Tiens donc. Parce que oui, la lutte contre l'injustice et les malfrats change d'un pays à l'autre. Les gars, vous pouvez traquer un criminel, mais s'il sort de l'espace Schengen c'est foutu. C'est assez amusant de voir cette obsession des frontières jusque dans un film marvel. Les super-héros devraient se déguiser en flux financiers au lieu de porter des combi moulantes, ils auraient tout de suite moins de mal à passer les frontières. Donc on veut d'abord contrôler leurs déplacements.


Autre problème : la violence. Dans les divers films, on voit souvent beaucoup de casse matérielle sur le sillage des super-héros, dans des grandes villes occidentales comme New York ou Washington DC par exemple. On leur reproche aussi d'importantes pertes civiles. Je trouve ça assez intéressant de voir les grandes puissances se scandaliser de tant de violence après les carnages que commettent leurs armées sans être inquiétées le moins du monde. Des villes détruites par la guerre, c'est pas ce qui manque. Ah, mais oui, l'armée a le droit parce qu'elle est un instrument à la solde de l'Etat, et en plus c'est dans des pays du tiers monde du coup tout l'monde s'en fout. Finalement, c'est pas tant la casse et la violence qui ennuie les puissances impérialistes, c'est le fait que les super-héros cassent sans avoir leur permission. C'est toujours la même chose, la violence n'est acceptable que d'un côté.


Ce qu'on refuse aux Avengers, c'est l'autonomie. Et en fait, Cap, c'est un gros toto parce qu'il envoie chier l'ONU et préfère régler les problèmes à sa sauce. Il ne veut pas que sa force devienne l'instrument d'une violence institutionnalisée, il ne veut pas renoncer à sa conscience politique en laissant à d'autres la responsabilité de décider pour lui, il veut rester libre de ses mouvements. Rappelons que Steve Rogers vient de Brooklyn, d'une famille d'immigrés irlandais pauvres et a grandi pendant la Grande Dépression. Cette guerre civile entre Stark et Rogers est donc plus une guerre de classes, celle d'une classe dominée qui refuse le contrôle et l'oppression d'une classe dominante.


Superposée à cette intrigue politique arrive l'intrigue centrale du film, le retour de Bucky, le Winter Soldier, "ami d'enfance" de Steve (lol lol lol). Il est accusé d'avoir commis un attentat terroriste, parce qu'on a bien identifié son visage sur l'image d'une caméra de surveillance. C'est assez ridicule parce que sur cette image le gars à une cagoule qui lui couvre tout sauf le visage. Si moi je devais faire un attentat, je cacherais un minimum ma face, surtout avec les caméras qui traînent partout. Mais ça, personne ne se pose la question. Ca ne pue absolument pas le coup monté, et sans plus d'enquête le service de lutte contre le terrorisme international de je sais pas où ordonne de pourchasser Bucky et de tirer à vue. Objectif : lui marave la gueule, les procès c'est pour les faibles. Le film montre bien à quel point le prétexte de l'attaque terroriste permet de déroger à toutes les règles du droit. J'suis sûre que Captain America est contre l'état d'urgence. En tout cas il est contre le fait qu'on bute son copain, et du coup il est encore moins chaud pour signer ce traité de soumission à l'ONU.


Jusqu'au bout, Cap reste fidèle à son vieil ami, au point que vraiment la tension homoérotique devient difficilement supportable, pour notre plus grand plaisir, et montre donc un visage tout à fait sympathique qui a inspiré le titre de cette critique. Iron Man est beaucoup moins cool dans son rôle de flic, même s'il se retourne plus ou moins au dernier moment, quand il se rend compte que, oui, Bucky n'est pas un dangereux terroriste, et que, oh surprise, c'était un coup monté. En revanche, il retourne encore sa veste quelques minutes après quand il apprend que Bucky a été forcé à tuer ses darons. Grosse girouette. En vrai, le pauvre Bucky n'était pas lui-même à ce moment-là, il était complètement déconnecté et ne pouvait pas résister aux ordres qu'il recevait. Assez ironique quand on pense qu'Iron Man s'apprête à faire la même chose en remettant son pouvoir de décision à l'ONU.


Cette partie qui développe un peu la personnalité de Bucky est assez intéressante d'ailleurs dans le registre œdipien de la culpabilité. Il est posé dans un jet privé avec Cap et ils discutent entre amoureux, s'échangent des petits souvenirs d'enfance et tout, et à un moment Bucky regarde Cap avec beaucoup d'amour et de tristesse dans ses grands yeux et lui dit "Avec tous les crimes que j'ai commis, j'me demande si je vaux tout ce que tu fais pour moi..." (c'est-à-dire contester l'ordre, l'autorité de l'ONU, devenir un hors-la-loi etc). Cap lui répond que c'était pas de sa faute, il n'avait pas le choix, il n'était pas lui-même. Et Bucky dit "Oui, mais je l'ai fait." Et c'est assez beau. Cette prise en charge tragique d'une culpabilité impossible à porter d'un côté et un pardon sans faille de l'autre, ils ont vraiment une belle relation. Cap a bien raison de tourner le dos à Iron Man pour Bucky. (Oui, vous avez capté dans quelle team je suis, je pense).


Voilà les quelques réflexions que je voulais lancer sur ce film que j'ai trouvé franchement pas mal et un peu plus profond que ce qu'on veut en dire.

Spocket
7
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le 7 mai 2016

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