J’aime les films où des personnes beaucoup plus belles/intelligentes/riches/musclées que moi me font croire que nous partageons les mêmes problèmes et faisons partie du même monde. Même Captain America et ses Avengers doivent rendre des comptes. Ce n’est pas parce qu’on fait le Bien qu’on peut tout se permettre. On se rend enfin compte que dans l’univers Disney Marvel des gens meurent et que ça va être dur de dormir tranquille après tous les morts de Sokovie d’Avengers : Age of Ultron. Un retour à la réalité mis en scène dans Captain America : Civil War, film des frères Russo sorti en 2016.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités (RIP oncle Ben)
Le début du film ressemble à un lendemain de soirée quand on nous rappelle les conneries qu’on a fait la veille : on revoit les destructions dont les Avengers sont « responsables ». New York, Washington, Sokovie… Je trouve d’ailleurs très bizarre d’oublier une des seules destructions vraiment imputables aux héros, la destruction de Johannesburg après un combat entre Iron Man et Hulk dans Avengers 2. Mais bref. Iron Man et Captain America en profitent pour se mettre sur la gueule et vider leur sac.
J’étais un peu décontenancé par la bande annonce du film : il semblait réduire l’enjeu de Civil War à un caprice de Steven Rodgers à sauver son copain d’enfance Bucky, quitte à se mettre le monde entier à dos. Après visionnage, on peut effectivement le réduire à ça mais ce n’est si pas grave. Civil War le film est beaucoup moins politique que Civil War le comic. Ce qui me dérangeait comme facilité dans la bande annonce prend du sens dans le film entier.
Je n’ai aucun problème avec la question de la potentielle fidélité au matériau du comic. Il n’y a pas de fidélité à avoir au matériau de base car un super héros en soi ne dit pas grand-chose. C’est l’auteur qui s’en empare qui le questionne et donne ses propres réponses. L’enjeu a été décalé dans Civil War le film. Globalement, les questionnements politiques occupent le premier tiers du film puis s’effacent devant ce qui intéresse les Russo : la confrontation des personnages. Quand on a le temps de s’arrêter, on fait le bilan de sa vie, les regrets, les remords, on prend des décisions, on se demande si ce qu’on a fait avait du sens, si nos actions seront pardonnables aux yeux du monde et au regard de l’Histoire. Un questionnement normal, que l’on fait tous un peu, sauf que personnellement je n’ai pas détruit une mégalopole pour empêcher un demi-géant des glaces mégalo de surcroit d’envahir la planète.
Un miroir grossissant de notre petite personne
Ce que j’apprécie dans les films de super-héros, c’est le questionnement profond qu’il pose. Derrière la question simple « que ferais-je si j’avais des supers pouvoirs ? » se pose simplement la question de notre rapport au monde. Comment faire le bien et jusqu’où pouvoir se justifier grâce à lui ? Finalement, Civil War ne va pas loin dans le politique car c’est notre intime conviction qui nous dira si nous avons raison à la fin. Le film a l’intelligence de ne pas choisir de camp. Intimement, les gens ne choisissent pas un camp par conviction mais par raison personnelle. Iron Man ne peut plus vivre avec la mauvaise conscience de ses actes : il veut que quelqu’un puisse l’arrêter. Captain ne défend pas Bucky le Soldat de l’Hiver, il cherche à sauver la seule chose qui lui rappelle sa vie d’avant Captain America, avant la guerre il y a 80 ans.
Cette volonté de ramener les super-héros à ce qu’ils sont, des êtres humains, est la force du film. Je vais juste faire une comparaison avec Batman Vs Superman (parce que plus d’une ce serait méchant) en disant que Civil War cherche à ramener les héros à leur humanité alors que BvS les inclut dans une mythologie en en faisant des archétypes. Civil War est certes plus modeste mais cette démarche d’humilité permet au film de ne pas se casser la gueule.
Je finirai quand même sur un défaut, un classique des Captain America : le film manque d’humour. Il est même déséquilibré entre les personnages drôles et les plus sérieux. Autour de Captain et d’Iron Man, les autres font globalement gadgets. Des gadgets drôles comme Ant Man ou Spiderman mais vraiment drôles, qui jouent sur le fan service. Quand Ant Man découvre Captain, il a les yeux mouillés du fan éploré, Spiderman est un gamin prodige tête à claques fabuleux. Et des gadgets tout court comme Veuve Noire ou Hawkeye. Autant la Veuve Noire est dans la situation de la fille un peu lâche du groupe de pote qui ne choisit pas son camp lors d’une rupture amoureuse, Hawkeye est inutile au point d’en être triste. Le pauvre sert de mauvaise conscience à Tony Stark et de figure paternelle cheap. Laissez Jeremy Renner à ses enfants et sa ravissante femme, s’il vous plait. Laissez-le tranquille, ça me rend triste à chaque fois.
Une bonne surprise en somme. Les Russo proposent une œuvre intimiste avec des explosions la formule simple d’un blockbuster réussi. Trop classique pour être au niveau d’Avengers 1 mais une bonne annonce pour Avengers 3, diptyque qu’ils réaliseront.