Icône singulière aussi poétique que guerrière, d'un septième art ricain qui en manque cruellement, Viggo Mortensen est une personnalité unique tant le bonhomme s'est évertué, au fil des décennies, à se rendre aussi inaccessible pour le système que furieusement passionnant à suivre pour les cinéphiles que nous sommes.
Loin d'être l'homme d'un simple cinéma, muse au masculin du vénéré David Cronenberg, l'homme tourne très peu (à peine un film par an) mais tourne bien, très bien même.


Absent des salles obscures depuis le très beau Jauja de Lisandro Alonso, il nous revient en cette étonnante rentrée ciné 2016 avec le joliment buzzé Captain Fantastic de Matt Ross, pure péloche indépendante ayant autant marqué la Croisette en mai dernier (dans la section Un Certain Regard, ou il a glané le Prix de la mise en scène), que les couloirs du Festival du Film Américain de Deauville, d'ou il est repartie avec les Prix du Public et du Jury.
Dans la péloche, Viggo y campe un patriarche un brin à part, qui avec sa petite famille - une femme et six enfants -, vit les forêts du Nord-Ouest Pacifique, totalement isolé et déconnecté de la société.
Père dévoué et aimant, il se consacre à l’enseignement académique et physique de sa progéniture.
Mais une terrible tragédie, la mort de son épouse, va forcer la famille à revenir à la civilisation et quitter leur petit paradis...


Sublime et intrigante chronique sur une tribu auto-suffisante vivant en autarcie, considérée comme " anormale " parce qu'en complet contre-courant avec la société actuelle, sous couvert d'un discours politique maitrisée (avec son discours puissant contre la société consumériste et inculte) mais jamais pleinement nihiliste ni même inquisitrice tant elle s'évertue constamment à ouvrir le débat dans sa confrontation de deux régimes contradictoire; Captain Fantastic est une merveille de feel good movie à l'humour et l'énergie rappelant joliment celle de Little Miss Sunshine, qui captive tout du long un spectateur totalement happé par sa réflexion sur la liberté et ses limites dans le monde contemporain.


Fable/conte utopiste fantasmé et léger sur le vivre ensemble façon road movie dynamique et moraliste - sans être barbant ni trop dérangeant -, questionnant avec humour sur les conséquences d'une extraction extrême avec des personnages savamment complexes malgré un trait un poil grossier (notamment dans sa comparaison entre les enfants marginaux, intelligents et pensant par eux-même, et ceux du monde réel, incultes et cons comme la lune), magnifié par une mise en scène inspirée - à hauteur de comédiens - et une photographie à tomber; le film vaut avant tout et surtout pour la partition remarquable d'un Viggo Mortensen en tout point parfait.


En père affranchi du joug de la société, figure charismatique à souhait régnant en gourou omnipotent sur une progéniture se retrouvant de moins en moins dans cette manière " étrange " de vivre, mais qui va très vite comprendre que cette éducation cadenassée ne fait finalement que reproduire le schéma oppressant contre lequel il s'est toujours battu; l'éternel Aragorn épouse pleinement les traits de Ben, et trouve ni plus ni moins que l'un de ses meilleurs rôles à ce jour.
A ses côtés, le prometteur George Mackay (Pride, et la précieuse 11.22.63) impressionne dans la peau de l'ainé, tiraillé entre une vie en autarcie qu'il a toujours connue, et une existence dans un milieu hostile pleine d'opportunités.


Pertinente, pleine d'humour et aussi noble et touchante que nostalgique (B.O. au poil à la clé), Captain Fantastic est une de ses petites perles de feel good movie racé et intelligent comme le cinéma indépendant ricain sait si bien les produire; un pur bijou de dramédie survitaminée qu'il serait bien malheureux de louper dans les salles obscures d'ici octobre prochain.


Laissez-vous guider par le Capitaine Fantastic Viggo Mortensen, vous ne serez décemment pas déçu du voyage solaire qu'il vous proposera...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/09/critique-captain-fantastic.html

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le 27 sept. 2016

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