Captain Fantastic par Cinémascarade Baroque

« Captain Fantastic » va bien plus loin que son postulat de départ. Il ne s’agit pas que d’un conflit idéologique entre deux modes de société ou d’une déchirure avec la belle-famille qui n’a jamais compris le choix de Ben et de leur fille. C’est avant tout un père qui fait le deuil de sa femme et des choix qu’ils ont pu accomplir. Ben doit également accepter le détachement progressif de ses enfants pour leurs propres expériences, notamment pour l’aîné, un homme en devenir mais qui est loin de connaître le monde. Des enjeux cruciaux que le cinéaste choisit de traiter avec douceur et finesse. C’est le ressenti qui est mis en avant, pour mieux exprimer l’amour qui découle de cette famille attachante et insolite.


Matt Ross prend en effet son temps pour poser les bases de son récit. Il décrit avec rudesse et réalisme le quotidien de Ben et ses enfants. On est très loin de la mode de vie tendance « hippie », avec les clichés qui en découlent. Les enfants doivent apprendre à survivre tout en cultivant leurs connaissances, entraînant ainsi des scènes tour à tour drôles et surprenantes. Prônant la contemplation et l’observation des faits et gestes de chacun, la mise en scène dévoile le bonheur mais également les contradictions du cocon familial. La deuxième partie du film révélera à Ben toutes les difficultés liés à leur existence. La culture et la roublardise ne suffisent pas à contourner certaines règles ou modes de conduite.


« Captain Fantastic » peut être vu comme une longue errance dont les protagonistes ne connaissent pas la fin. Le long-métrage prend une tournure risquée, frôlant presque le dénouement de facilité. Cependant, le récit échappe à cela tant la dernière partie est sans doute la plus magnifique du récit. Ben, en temps que père accompli, accepte de laisser ses enfants suivre leur chemin. Au-delà de toute éducation ou de toute croyance, ce sont des êtres à part entière, avec une identité et une pensée propres, qui digèrent à leur façon ce qu’ils ont appris. Alors ils commencent à se redécouvrir, donnant de très beaux instants où la communication se fait par le regard et le geste. Finalement, qu’est-ce que la philosophie de ce capitaine papa ? Celle d’un homme qui étreint son fils aîné en lui apportant toute la force du monde. C’est également un chant d’adieu.


« Captain Fantastic » est un conte folk d’une grande beauté et humanité. La modestie de sa narration n’empêche pas de faire éclore des approches philosophiques. Son questionnement à la famille est aussi pertinent, entre tendresse et fragilité. Tour à tour drôle et poignant, ce film plein de générosité est un incontournable.

AdrienDoussot
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le 17 oct. 2020

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