Two Lovers
Avec cette mise en scène, que ne renierait pas Wong Kar Wai version In the mood for Love, la discrétion des sentiments sied parfaitement à une nomenclature esthétique au souffle court, qui fait...
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le 13 janv. 2016
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Critique originellement publiée le 22/05/2015 sur Filmosphere.
Œuvre fortement attendue à Cannes, de par son sujet, son casting et bien entendu son réalisateur, Carol se sera dûment fait attendre dans la carrière de Todd Haynes, consacrant toutes ses dernières années depuis le très intéressant I’m Not There (2007) à la production télévisuelle. Malheureusement, derrière ses airs élégants et d’actualité, Carol prend la forme d’un film peu passionné, voire presque trop académique dans sa description d’une relation lesbienne dans l’Amérique des années 50.
Le nouveau film de Haynes s’entame pourtant avec un gracieux plan-séquence posant immédiatement un contexte léché que vient souligner le thème principal composé par Carter Burwell (collaborateur de toujours des Coen – d’ailleurs présidents du jury), qui ici suinte l’inspiration d’un certain Philip Glass. Haynes peint habilement la société qu’il représente, sans trop en faire, sans sombrer dans le décorum lénifiant ou pompeux. Il y a dans Carol une rigueur de la simplicité qui est tout à l’honneur de son réalisateur. Malheureusement, derrière la sobriété de cette honnête simplicité, on perçoit éventuellement la certaine vacuité du film, ou tout du moins son inaptitude à changer cette essence de « simple » en « beau ».
Et c’est là que tout bascule pour le film de Haynes, qui à force de rester trop lisse, de ne pas surprendre, devient laborieux face à notre regard quelque peu désœuvré. La relation au cœur de l’histoire, entre les personnages de Cate Blanchett et Rooney Mara, emprunte alors le chemin d’une évolution chaotique et trop pesante. La fugue dans l’Amérique, façon Thelma et Louise, offre la perspective d’horizons nouveaux à travers un tournant majeur, mais à contrario du film de Ridley Scott, aucun crescendo dans l’écriture ne se fait réellement ressentir et le rythme paraît trop étiré pour ce que le film raconte. Pourtant Haynes semble avoir tous les atouts en main pour sublimer la pureté de la relation et cette émancipation de deux femmes vis-à-vis de la société américaine sclérosée d’alors.
A force d’être conquis par l’ennui on ne sait plus à quoi se rattacher, pas à cette réalisation trop propre qui ne réitère jamais le charme du premier plan, pas à ces actrices qui cabotinent sans doute un peu trop (Cate Blanchett surtout) ou ni encore à ces personnages secondaires, trop enfermés dans une galerie de caricatures fermées et rétrogrades. Pour continuer légèrement la comparaison avec le film de Ridley Scott, à aucun moment le personnage de Kyle Chandler, mari de Carol (Cate Blanchett), n’a la subtilité que développait son équivalent campé par Michael Madsen dans Thelma et Louise. Ici on est confronté à un unilatéralisme trop classique, qui finit par tuer le réel du film. Et parce qu’il n’y a plus de réel, de vrai donc de beau, l’intention de Haynes ne touche plus, l’intérêt de l’histoire se perd dans ce film trop écrit qui ne décolle jamais véritablement, jusqu’à sa fin trop facile, encore une fois sans passion.
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le 25 mai 2016
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