Enfin vu s'opérer sur grand écran la magie intacte de "Casablanca" telle que je l'avais rêvée. Ou comment des conditions de tournage désastreuses, la caméra tournant au petit bonheur et dans une grande confusion, ont accouché d'un film mêlant harmonieusement une histoire d'amour des plus romantiques car désespérée et la grande Histoire de la Résistance. Le décor en carton-pâte n'empêche pas qu'on se croie dans la Casablanca cosmopolite de l'époque où viennent s'échouer tous ceux qui, fuyant l'Allemagne nazie, rêvent de l'Amérique. Les plans et la lumière, les clairs obscurs expressionnistes de Michael Curtiz, mettant autant en valeur les décors que les personnages, y sont pour beaucoup. Cette lumière qui illumine amoureusement le visage éthéré d'Ingrid Bergman. Les dialogues sont absolument irrésistibles, entre romantisme noir et humour féroce (la salle a beaucoup ri). Les seconds rôles parfaits, l'héroïque Laszlo et le Capitaine Renault, opportuniste trompeur. Humphrey Bogart s'impose, lui, en homme complexe, rude mais intègre (à la place de Ronald Reagan pressenti au départ dans un film sans envergure), sa voix, son allure, ses gestes lents et précis, inoubliable Rick Blaine : "Here's looking at you, kid". Et cette fin, l'une des plus belles du cinéma hollywoodien ; le gros plan sur le visage de porcelaine d'Ilsa, une larme étoilée à l'œil, ombré par le large bord de son chapeau (image que j'ai suédée en arts visuels avec mes élèves). Une histoire d'amour de cinéma et une alchimie envoûtante, comme la voix du vieux Sam fredonnant "As time goes by"... le film de l'idéalisme universel, de l'amour désenchanté, de la nostalgie et du souvenir exalté. Une scène d'anthologie aussi quand la guerre se fait en musique dans le cabaret de Rick et que les partisans des Alliés entonnent la Marseillaise pour couvrir les voix des officiers allemands chantant "Die Wacht am Rhein". Petite pensée pour mon grand-père qui adorait Humphrey Bogart. Une dernière mention pour les tenues d'Ingrid Bergman, notamment cette longue jupe crayon blanche à taille haute portée sur un top rayé à la coupe graphique. Gants longs et chapeau.

Sabine_Kotzu
10
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le 9 avr. 2020

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