Le titre a beau ne pas poser directement une question, il demande une réponse. Au vu du film, la terre serait déjà une réponse suffisante, puisque le personnage principal, Jean interprété par Pio Marmaï constate à un moment que "à force de travailler la terre, on s'imagine qu'elle vous appartient, alors qu'on finit par réaliser que c'est vous qui lui appartenez. Ceci est dit en voix off, par Jean qui parle ainsi sur une durée d'un peu plus d'un an, durée bien choisie puisqu'elle correspond à un cycle des saisons. La voix off est un procédé que Klapish aime beaucoup et qu'il utilise avec bonheur. Jean revient au pays, la Bourgogne, qu'il avait fuit une dizaine d'années auparavant pour échapper à son père et c'est parce que sa soeur Juliette l'a prévenu que leur père est à l'hôpital gravement malade, qu'il est enfin de retour. Ce retour provisoire, parce qu'il a fait sa vie à l'autre bout du monde, sera l'occasion de faire le point sur ce qu'il veut ou ne veut pas, mais aussi de réfléchir sur les possibilités réelles qui s'offrent à lui, parce qu'il est loin de tout maîtriser. Déjà ,il ne maitrise pas le passé. Sa mère est morte il y a un peu plus de 4 ans et il n'a pas donné signe de vie quand son frère Jérémie l'a prévenu. Un épisode qui a laissé des traces dans les esprits. Que se passera-t-il à la mort du père ?
La question de l'héritage devient alors cruciale, car autant Jean que Juliette et Jérémie veulent vivre de la même activité, héritage familial. Le père a vécu comme vigneron, ils veulent poursuivre l'activité. Le domaine familial comprend une maison et des terrains où sont plantés des vignobles qui ont de la valeur. Cette valeur peut correspondre à une grosse somme d'argent. Mais en France, l'héritage ne se passe pas de façon simple. Déjà ils sont trois enfants et ils doivent payer des droits de succession. Pour les payer ils peuvent envisager de vendre quelque chose. Dès qu'il est question de vendre des parcelles, certains reniflent une odeur caractéristique, on peut dire que les chacals sont bien là. Autre problème ,Jean a fait sa vie aux antipodes et il s'est engagé là bas, alors que pris dans l'ambiance et les problèmes à régler sur place, il n'arrive pas à repartir, ce qui crée de nouveaux problèmes.
Cédrix Klapish réussit encore un film bien à son image, centré sur la chaleur humaine ,la convivialité et les difficultés à tout mener de front. Il a l'amour de ses personnages et de la région qu'il filme. ses personnages sonnent vrais, cela vaut aussi bien pour les trois enfants, avec Ana Girardot très convaincante en Juliette et François Civil qui joue le jeu tout en étant un personnage moins doué. On peut citer Eric Caravaca dans le rôle du père qu'on ne voit que dans des flashbacks de souvenirs de Jean. Autre forte personnalité, celle du père d'Océane la copine de Jérémie : Jean-Marie Winlong. Le réalisateur montre le travail de la terre, sans oublier les petites querelles de voisinage. Discrètement, il aborde la question des choix de qualité, bio ou pas bio par exemple. Surtout, il fait sentir qu'une date de vendange ne se décide pas à la légère et que sur une même parcelle, tous les plans ne sont pas forcément à la même maturité, selon les plissements du terrain. Les techniques modernes et analyses scientifiques interviennent, mais l'expérience humaine reste le meilleur moyen pour savoir si un nuage va donner de la pluie à un endroit plutôt qu'à un autre. Et puis, il fait sentir que cette période de vendanges est fondamentale, parce que des saisonniers viennent apporter leurs mains pour un travail indispensable. Plutôt mal payés, sans aucune formation, les propriétaires leur doivent de la considération. Cela passe par une fête une fois le travail terminé. cela n'empêche pas le besoin de décompresser à certains moments, car le travail est très physique. Le réalisateur s'attache à montrer ce que peut devenir un domaine viticole au moment de la transmission par héritage. En un peu moins de 2 heures, sans réaliser un chef d'oeuvre, il aborde suffisamment de thèmes de façon fluide pour produire une oeuvre qui intéressera pas mal de spectateurs. Mon regret c'est qu'il se contente d'aborder certaines questions sans trop creuser. Je pense surtout à ce qui se passe lors de la fête de fin de vendanges. Jérémie doit aller voir ses beaux parents mais il se laisse entrainer par l'ambiance. L'alcool est alors montré comme un inhibiteur qui permet de se lâcher et de bien rigoler, parfois au dépends des autres, l'aspect dépendance et potentiellement dangereux est totalement négligé. Enfin le meilleur point peut-être, c'est la capacité de Klapish a introduire des détails qui sont des sources de respiration qui donnent de la vie à ses personnages et à l'ambiance générale, comme lors des scènes où il montre Jean en train d'imiter avec un dialogue imaginaire deux personnes en train de parler dans son champ de vision. A chaque fois c'est irrésistible.

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le 27 juin 2017

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