Celle que vous croyez a, à l'instar de son héroïne, deux faces : la première (les deux premiers tiers du film) assez peu crédible, en faisant trop, assez grossièrement rapportée et la deuxième (le dernier tiers du film), intrigante, plus profonde, plus construite, plus passionnante, qui sauve le tout.


Après un début plutôt emballant avec quelques scènes réussies (celle initiale avec Ludo contre la vitre ou encore celle dans la voiture seule avec la voix d'Alex), celle que vous croyez prend vite des allures de mauvais film thriller romantique pour ado, assez moralisant (attention, votre écran n'est pas la vie réelle) mais surtout assez peu crédible. En effet de nombreuses invraisemblances le traversent, comme celles tout d'abord des caractères (comment une prof de fac peut-être aussi idiote, aussi décrochée de la réalité?), des situations (jeune homme qui attend si longtemps pour un si maigre butin, sans jamais se douter du mensonge; la danse incongrue dans la soirée; ...), des dialogues parfois (surtout nombre de ceux entre la psy et sa patiente).
Par ailleurs le trait semble souvent trop grossier. Ainsi certains détails significatifs sont trop appuyés (les lectures de la prof. se mariant à sa situation), des scènes hyperboliques (celle de la bibliothèque où la prof oublie où elle est, voulant dire qu'elle se déconnecte grossièrement de la réalité) et les personnages trop caractérisés, sans aucune nuance (Claire dérive beaucoup trop dans son comportement de fuite, son déni de soi et la jouissance d'un nouveau moi), trop pathétique (elle ne peut oublier son ex-mari, pleure comme une ado quand son amant virtuel part en voyage, etc). Seul le jeu toujours très réussi de Juliette Binoche, même si la direction et le scénario la pousse parfois à en faire trop, est digne de louanges.


Néanmoins, le deuxième visage nous séduit beaucoup plus. Réflexion plus profonde sur la fiction, le mensonge, le leurre du verbe; révélation du chiasme amoureux comme cause de tout; bref message sur la culpabilité. Par ailleurs Claire devient enfin crédible, vraiment intelligente dans sa manipulation, digne de son statut d'écrivaine / prof de fac. Le tout illustrée par de très belles et fortes images prise en hauteur, comme celles du vélo le long des falaises, traduisant par l'esthétique cette éthique du bord incarnée par les personnages, Claire la première (bord : aller et venir au long de la frontière entre le moi et l'autre, entre le réel et le fictif, entre la vie et la mort, etc). Mais elle demeure trop courte au vu du reste.


Au total, un film qui mérite d'être vu jusqu'à la film, au risque d'en sortir trop déçu et avec une opinion incomplète.
6.5/10

Marlon_B
7
Écrit par

Créée

le 10 oct. 2019

Critique lue 142 fois

Marlon_B

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