Ah, si Hitchcock avait connu les entrelacs des réseaux sociaux, comme il aurait jubilé d'en tirer des scénarios pervers pour le plus grand plaisir de son public. Celle que vous croyez n'est pas digne de Sueurs froides, bien d'accord, mais la manière dont Safy Nebbou nous trimballe sans sommation dans les tréfonds de l'âme torturée de son héroïne quinquagénaire est assez passionnante même si pas toujours totalement maîtrisée. Celle que vous croyez ne parle pas seulement des ravages de Facebook and Co et développe des thèmes tels que le refus de vieillir, l'emprise amoureuse ou encore la peur de la solitude. Avec un certain réalisme, pendant une heure, avant de plonger corps et biens dans le romanesque avec un certain culot, comme si le film se réinventait une première fois, avant de le faire à nouveau peu avant la fin. C'est un peu osé et les mailles du filet un tantinet trop grosses mais il est assez plaisant de marcher quand même, le film assumant son caractère de fiction et ses soudaines accélérations ou décélérations. La mise en scène reste élégante tout du long avec quelques plans très marquants suggérant l'attraction du vide (Beaubourg, les falaises). Un peu de Vertigo, donc,, on y revient. Mais le film serait nettement moins brillant s'il ne bénéficiait pas d'une interprétation exceptionnelle de Juliette Binoche, capable de "faire son âge" dans une scène puis de ressembler à une adolescente dans la suivante (son visage évoque aussi parfois celui de Julia Roberts). François Civil et surtout Nicole Garcia sont de leur côté mieux que des faire valoir. Les rapports entre la thérapeute jouée par Garcia et sa patiente et leur "affrontement" feutré, l'une parle et l'autre écoute, est d'ailleurs l'une des réussites du film alors qu'il y a là un procédé que l'on aurait pu qualifier a priori de facile. L'ambigüité et la complexité de leur relation est à l'image d'un film qui se révèle excitant dans ses différents niveaux de lecture, y compris, évidemment, psychanalytique.

Cinephile-doux
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le 28 févr. 2019

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