Explication de la stratégie de dédiabolisation pour les nuls

Si ce film ne présente aucun intérêt esthétique, que le jeu des acteurs est plus ou moins médiocre, que leur personnalité n’a rien de recherché et qu’ils représentent grossièrement des personnages un peu clichés de la France profonde, la critique politique est néanmoins bien menée (en tout cas sur certains points qui ne sont pas évidents à capter si on ne fait que lire le journal sans prendre de recul) et le film parvient ainsi à résumer facilement les stratégies et ficelles du Front national afin qu’un spectateur profane en politique puisse comprendre.
Avant de partir dans l’analyse politique, je tiens à dire que j’en ai marre de ces films français où trop souvent le jeu d’acteur est nul et les personnages sont clichés : petite infirmière trop gentille qui dédie son temps à aider les oubliés de la France profonde, mère célibataire fille de communistes prise sous l’aile d’un médecin fasciste et qui trouve du réconfort auprès d’un entraineur de foot néo-nazi à ses heures perdues (comme par hasard je veux le mec à l’opposé de mon daddy).
Bref c’est exactement par ce genre de profils que le Front national (front national patriotique dans le film) est intéressé pour en faire leur tête de gondole pour les élections municipales d’Enar (Henin Beaumont en réalité).
En effet, tout l’intérêt du film est de faire comprendre et de dénoncer la stratégie de dé-diabolisation du Front national qui ne souhaite plus être représenté par des skins en treillis mais par des « monsieur et madame tout le monde » qui « veulent le bien de la France » et ne sont « absolument pas racistes » et qui rendraient même service aux arabes de cette manière (« les premières victimes de la racaille »). Cette infirmière tombe donc à pic puisqu’il est facile de la convaincre qu’il faut améliorer la situation « lamentable » en France, elle qui côtoie quotidiennement des petits vieux et qui peut donc facilement les amener à voter sans pour autant qu’elle n’ait de voix pour s’exprimer puisqu’elle n’est que le visage local d’un parti vertical stalinien où le programme arrive d’en haut pour être appliqué à la lettre dans les petite mairies où des énarques et science pistes débarquent de Paris pour « s’occuper de tout » tandis qu’elle n’est là que « pour aider les gens » (en gros elle ne sert strictement à rien elle est juste là pour son visage familier qui rassure les gens).
La stratégie de dé-diabolisation du Front national qui passe par la scission entre Jean-Marie Le pen et sa fille, Marine Le pen, est illustrée dans le film par l’émancipation de Marine qui se sépare du parti de son père (le Bloc patriotique dans le film) et crée son propre parti, le Front national patriotique (on se rappelle l’exclusion de Jean Marie Le pen du Front national en 2015 pour ses propos quelque peu dérangeants sur les camps de concentration). De plus, on voit bien comment le FN tente d’assainir son image en affichant en public leur soit disant rejet des idéologies néo-nazies alors que par derrière le FN subventionne ces groupes identitaires qui mènent des opérations style « ratonnade ».
Mais ce qui est dommage dans ce film, c’est que la protagoniste ne sourcille pas lorsque, une fois engagée dans le parti et qu’elle assiste aux réunions de cadres, les dirigeants du FN donnent ouvertement des stratégies pour assainir l’image raciste du parti (ne pas dire « bougnoule » mais « racaille » etc.). Elle en rigole même donc pas trop crédible la petite infirmière gentille qui croit vraiment que le FN n’est plus un parti raciste. En plus, c’est très dommage que le moment qu’on attendait tous (lorsqu’elle se rend enfin compte que le parti n’est que manipulation et qu’elle ne pourra jamais y apporter ses idées), ce ne soit que parce que le parti souhaite l’éloigner de son petit copain un peu trop néo nazi pour l’image du parti et non parce qu’elle se rend compte qu’il colporte une idéologie à vomir.
Bref, une meilleure mise en scène et un meilleur jeu d’acteurs auraient pu faire vivre son moment de gloire à un film dont la thématique est retentissante à peu de temps des élections.

Garancee
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le 28 mars 2017

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