Il y a une chose qu'on ne peut pas enlever à Polanski : les b.o. de ses films sont souvent géantes. Ici, une musique d'ambiance grave et parfois grinçante pour un film noir très réussi.
J.J. Gittes (et pas "Gitt's", il insiste assez là-dessus) est un détective privé génialement porté à l'écran par Jack Nicholson. Alors qu'il vit de filatures pour des couples qui battent de l'aile, Gittes se voit plongé dans une histoire de grosse ampleur après qu'une femme lui demande - une fois de plus - de suivre son mari.
Si le film est quelque peu lent à démarrer, on est pris dans une atmosphère suffocante et lourde dès le début : une ambiance très rétro englobe le Los Angeles de 1937 en pleine sécheresse, et l'on observe Gittes farfouiller dans des affaires qui deviennent dangereuses avec un calme et une lenteur déconcertants. Là est à mon sens le génie de Nicholson dans ce film : Gittes agit vite, réfléchit vite, mais il parle si lentement, si posément que l'on croirait parfois que le film est ralenti. On a en fait l'impression de regarder un observateur quelque peu ivre, qui s'applique à prendre son temps devant toutes sortes de personnes affairées, inquiètes, passionnées ou simplement agressives.
Il y a l'apparition de Polanski en homme de main nerveux, il y a Faye Dunaway (qui a quelques airs de Mia Farrow lorsqu'elle s'effraie, curieusement), il y a ces plans où l'on voit Gittes conduire sa bagnole sans qu'on sache trop ce qu'il a en tête, et cette petite fouine met son nez partout, au risque de se le faire taillader.
L'intrigue est bien menée, et on ne sait pas vraiment ce qui se trame autour de tous ces hommes d'affaires au passé trouble, hormis le fait qu'ils sont tous bien trop calmes pour avoir la conscience tranquille.
Je découvre petit à petit Polanski et je dois dire que ses films me surprennent à chaque fois. Le réalisateur s'est essayé à différents styles avec brio (bien que je n'aie pas encore regardé Oliver Twist, qui m'effraie un peu) et audace. Chinatown est un petit OVNI qui se contemple avec paresse dans un calme religieux, un peu comme on regarde Shining un soir d'hiver. Torpenn, si tu m'entends...