I promise myself to fall in love with the first person who walks in here
Un film déstabilisant que « Chungking Express ».
Tout d'abord, une œuvre dynamique et duelle. Sans cesse dans le mouvement, grâce au montage parallèle qui nous fait suivre simultanément les destins de deux protagonistes au combien opposés. Avec d'un côté la dealeuse, froide et mystérieuse, et d'un autre le flic, le matricule 223, qui nous confie en voix off avoir connu une rupture amoureuse récente très douloureuse. Un personnage tout en émotivité donc, proche du spectateur au moins autant que la femme lui semble étrangère.
Il en va de même pour les personnages de la deuxième partie du film, également un flic victime d'une déception amoureuse, le matricule 663 cette fois-ci, et une serveuse de fast-food rêvant d'ailleurs et confessant volontiers ne pas aimer trop réfléchir.
Déroutant, car l'on ne sait jamais tout à fait à quel objet cinématographique on a affaire : un thriller (la poursuite de la dealeuse dans le métro), un film choral (les histoires juxtaposées), une comédie romantique (trop restrictif, et le style du film ne s'y prête pas du tout) un drame alors ? Impossible de le ranger dans une quelconque catégorie.
Un film fuyant, également. Où le bonheur est toujours envisagé, dans un souvenir ou un avenir proche, mais jamais dans l'instant présent. Entre les avions qui vont, qui viennent, les escalators qui s'élèvent vers le ciel, les envies d'ailleurs et les femmes qui apparaissent et disparaissent à leur guise. Les hommes quant à eux semblent isolés du reste du monde, en décalage, vivant à leur propre rythme. Je pense par exemple à la scène où l'on voit Takeshi Kaneshiro mettre une pièce dans le juke-box au ralenti alors qu'autours de lui, les clients s'agitent en accéléré.
Le scénario lui-même s'inscrit dans cette logique déviante. Une fois que les premiers personnages se sont rencontrés, le réalisateur les abandonne et tourne alors sa caméra vers un autre couple.
Contemplatif et poétique, surtout. Avec ses images d'une beauté éblouissante, ses ralentis parfaitement utilisés, et des personnages à la grâce personnifiée. Le tout nous dépeignant avec justesse la frénésie de la ville.
Introspectif. On rêve de la rencontre entre les protagonistes de la première histoire, et quand celle-ci se concrétise enfin, il ne se disent finalement pas grand chose. Chacun est dans sa bulle, développe quantités de monologues intérieurs, mais ne partage que peu de choses avec son interlocuteur. La voix off du héros venant d'ailleurs même entrecouper les dialogues avec sa partenaire. Dans la deuxième partie, la majorité de l'action se déroule dans l'appartement du héros, où celui-ci fait part de ses états d'âme à ses objets, et où l'appartement lui-même est personnifié. On a alors affaire à un protagoniste renfermé, solitaire, qui s'interroge et tente de trouver des réponses à ses questions dans les indices envoyés par le petit monde qui l'entoure.
Romantique, enfin. Puisque les deux parties du film donnent à voir la naissance de la passion, ou plutôt le désir de la passion, mais sans jamais vraiment y parvenir avec certitude. D'ailleurs, là où Wong Kar Wai joue les originaux, c'est qu'il accorde la sentimentalité et la sensibilité à ses protagonistes masculins, allant jusqu'à leur attribuer une voix off afin de bien cerner leurs états d'esprit. Les femmes quant à elles, resteront toujours mystérieuses et insaisissables (ça pourrait être la moralité de l'histoire, voire une morale tout court).
Et tout un tas d'autres qualificatifs bien entendu, qui pourraient lui être attribués mais que je suis bien incapable de retranscrire, tant je suis sous le charme. Voilà, "Chungking express" est un film qui parle totalement à la rêveuse mélancolique que je suis.