YANN MOIX ou la Branlette intellectuelle

Utiliser l'expression "branlette intellectuelle" c'est souvent refuser d'essayer de comprendre le message sous prétexte que la forme déplait. Comme si l'oeuvre qu'on méprise avait été conçue dans le seul but d'être volontairement inaccessible. Pourtant, il s'agit bien souvent de créations d'auteurs passionnés voulant faire passer leur message de la manière la plus précise qu'il soit. Cela donne lieu à des oeuvres riches et denses qui plairont à ceux qui apprécieront ce langage... D'autres n'aimeront pas et je comprend. Mais ce n'est pas pour ça qu'il faut réduire un auteur, une oeuvre, ou un cinéma à une espèce de condensé de prétention sans véritable sens ni but autre que d'étaler sa science. Récemment, on m'a dit : "Tarkovski c'est de la branlette intellectuelle". Non. Dans ses films, Tarkovski décrit des concepts universels qui parlent à tous et il le fait de manière précise. Alors, oui, c'est long, c'est russe, ça parle, certains diront même que c'est chiant, mais c'est aucun cas "de la branlette".
Et d'ailleurs qu'est ce que c'est censé vouloir dire "branlette intellectuelle"?
Si je n'aime pas trop cette expression pour ce qu'elle désigne dans son sens courant, je crois en avoir trouvé la définition avec Cinéman.


Devant le film, je reconnais des dessins de Roland Topor peints sur le mur du fond de la salle de classe. Tiens... Hum... Pourquoi?
Quand on lui demande en interview, "pourquoi quand Régis Deloux est professeur dans la vie réelle, vous en avez fait encore un personnage de cinéma?" Moix répond:
"J'aime tellement pas la réalité, que même dans les scènes réalistes du cinéma, je ne la supporte pas. Et d'ailleurs, aucun film, même les films néo-réalistes de Rossellini ne traite la réalité comme telle. Et j'aime bien l'idée que pour faire décoller Dubosc dans les films, le Réel ne soit pas trop plombé lui-même parce que, le contrat ... Non mais... ce que j'ai voulu faire, c'est que son écosystème naturel, l'endroit où il respire le mieux c'est dans les films. Et les films, j'ai voulu qu'ils soient presque moins stylisés que le Réel pour montrer que finalement, c'est là qu'on respire le mieux et moi, c'est au cinéma que je respire au mieux dans la vie."
Oula... Ok. Moix se branle intellectuellement. Branlette car il est incapable de pendre du recul. Cinéman est un bordel sans nom à l'image de cette réponse à rallonge dans laquelle il s'empresse de se rattacher à de grands auteurs pour se donner du crédit.
Là où les références auraient pu donner quelque chose d'agréable, le Bande Dessinée franco-belge pour l'humour par exemple, le mauvais gout, et le manque de pragmatisme de Moix a tout pourri.


Moix dit trop qu'il aime le cinéma. Ca sonne faux. Il semble inquiet. Plus que de montrer qu'il aime le cinéma (pourquoi vouloir le montrer d'ailleurs?) il veut montrer qu'il a vu des films.
"Je suis un rat de cinémathèque, un rat de bibliothèque... Un rat de tout sauf de la vraie vie."
Yann Moix n'aime pas tant les auteurs qu'ils cite sans arrêt que l'image qu'il renvoie de lui-même quand il dit qu'il les aime.
Ce qui compte c'est lui.
Il veut s'aimer. Son égocentrisme semble l'avoir empêché. Un réalisateur doit avoir une vision cohérente, une vision d'ensemble. Yann Moix, c'est un ego détruit, et rebâti dans l'autodidactie. Il est aujourd'hui un ensemble d'idées et de concepts en inertie autour d'un noyau de "moi". Il veut à tout prix être un individu, avoir un style. Moix n'est pas un passionné car rien ne compte autant que lui-même. Dans sa tête le bordel.


Même dans l'échec, Yann Moix se compare aux plus grands -il ne peut pas s'en empêcher, mécanisme de survie oblige - :
"Le making of de Cinéman aurait fait un très grand film. Par rapport à Lost in La Mancha de Terry Gilliam, honnêtement, je crois que j'ai vécu pire. (...) Il lui a manqué la diversité de catastrophes que j'ai eue..."
Alors oui, la préparation du film et le tournage ont été catastrophique. Mais ce que je retiens des "interviews vérité" que Yann a donné au sujet de Cinéman, c'est que dès le début du projet Moix semblait être le seul à être emballé. Or, un film ça ne se fait pas tout seul. Le réalisateur doit être capable de transmettre ses idées, de partager sa vision pour entrainer toute une équipe à la mettre en oeuvre. Le réalisateur doit faire preuve d'assurance, mais pour cela il doit d'abord être capable d'avoir une vision d'ensemble. Moix n'en a fait qu'à sa tête en se répétant que de toute façon, il est un génie.
Les problèmes qui sont venus par la suite sont ceux qui surviennent sur tous les tournages : l'imprévu. Et là encore, pour être réalisateur, il faut avoir le cuir assez dur. Gilliam a cru pouvoir mettre en oeuvre un projet à l'envergure Hollywoodienne avec peu d'argent. Il avait de vraies idées, une vision cohérente, une équipe talentueuses. D'un point de vue artistique, il a su faire d'excellents choix.
Toi, Yann, tu avais une mauvaise idée, de mauvais gouts, et tu voulais surtout qu'on reconnaisse ton génie. Ben c'est raté.


"Yann Moix a une fille. Comment s'appelle-t-elle?
Réponse :


Vivianne


" c'est une blague de Yann Moix.


Pour conclure, se branler intellectuellement, c'est quand l'enjeu de ce qu'on raconte n'est autre que de se mettre soi-même en avant. C'est quand la réflexion n'est pas vouée au partage, à l'échange. C'est comme avoir une conversation avec soi-même. De l'intérieur, les idées semblent s'emboiter de manière géniale mais vu de l'extérieur, c'est juste un bordel sans nom dont on devine les origines mais qui fait un peu peine à voir.

ºOlivia
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le 5 août 2017

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ºOlivia

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