Entré par accident dans une salle qui projetait ce film que je ne serai jamais allé voir en d'autres circonstances (professionnelles évidemment), je réalisais immédiatement dans quelle expérience cinématographique rare je venais d'être embarqué malgré moi, après seulement quelques secondes d'espérance qui ont eu le mérite d'exister grâce à la présence d'un humour grossier certes mais qui m'aura néanmoins laissé croire un court instant à la possibilité d'un ton légèrement ironique, un second degré (quand le héros dit « Je ne fais pas l'amour, je baise brutalement. ») qui finalement n'aura fait qu'être subrepticement esquissé, de peur de faire fuir la majorité du public visé, à savoir la catégorie décérébrée, romantique et puérile de la gente féminine venue chercher son lot de pectoraux et de fessiers masculins servis à une eau de rose lubrique pourtant en voie d'extinction.
Une histoire de romance comme on n'en fait plus depuis longtemps donc : un beau milliardaire musclé et sa naïve compagne universitaire... l'homme a un secret. Et ce secret, c'est qu'il est sadomasochiste. Il hésite à initier sa nouvelle amie à ses petits jeux sexuels qui ne manquent pas de pénétrant. Elle aussi tergiverse (forcément, on lui fait la proposition d'être soumise...), pour finalement accepter. Ce qu'il se passe (SPOIL), c'est qu'elle prend du plaisir.
A un moment, le héros fait une surprise à sa chère et tendre, il l'emmène dans un planeur. Je commence à bouillir sur mon siège devant les acrobaties de l'appareil et le sourire possédé de Dakota sous un fond de musique sirupeuse propre au mélo, et soudain je comprend tout, le message du film est là devant moi : se laisser aller à l'inconnu, prendre des risques, lever les aprioris et faire tomber les certitudes, lâcher prise, se soumettre aveuglément au désir, à la volonté et à la maîtrise d'un autre (qui conduit un planeur ou un hélicoptère), repousser ses limites. Et toutes les scènes de sexes vont de fait en ce sens : de la jouissance de se faire gouverner en abandonnant les commandes à autrui, en lui laissant une maîtrise absolue, une "créativité" totale. Lâcher prise vers l'inconnu, attendre puis jouir (ou pas!) de l'effet produit. C'est un peu ce que j'ai moi-même expérimenté ici en fait : cinéphile plus que confirmé, je ne serai jamais allé voir ce film mais je me suis laissé entraîné par d'autres malgré-moi, en espérant prendre du plaisir devant la toile comme c'est souvent le cas, mais ai vite compris qu'il n'en serait rien.
Je n'ai jamais eu l'impression de savoir si le réalisateur était sérieux ou non, tant le propos du film et les jeux d'acteurs se rapprochaient par instants du niveau de « l'art » des feux de l'amour. Il est vrai que Jamie Dornan semble ne croire à aucun moment en ce qu'il dit ou fait, pas même lorsqu'il donne ses coups de fouets cathartiques. Pour tout vous dire, l'intensité de son regard a du mal à tenir la comparaison avec l'expressivité de ses fesses, que l'on voit si souvent à l'écran (à ce propos, la diversité des prises de vues de caméra qui mettent en évidence les fesses des protagonistes viennent largement remettre en question le sens de l'expression familière « un plan cul »). Quant à Dakota Johnson, la platitude de son jeu naïf et candide, tout en surface, ne dépasse jamais la plastique de son postérieur qui par ses arrondis presque parfaits, ses courbes et sa présence vient donner un peu de fond et de profondeur à un ensemble hélas beaucoup trop superficiel, saupoudré d'une forme de voyeurisme abject que je n'avais plus vu depuis Basic Instinct.
Quant à vous dire si c'est bien réalisé... je ne pense pas non. A dire vrai je n'y ai pas vraiment prêté attention, tant j'essayai de me concentrer à ne pas soupirer de lassitude et d'ennui à chaque seconde au risque de me faire réprimander par mon voisin de siège. Je pense qu'il faut un minimum de technique et de savoir-faire pour tourner certaines scènes de sexe simulées sans montrer les parties génitales, mais voilà, ça ne fait pas une grande mise en scène, et celle de ce film relève moins de la grosse réal à la Scorsese que de la pub pour parfum, costards, Giorgio Armani et consorts. Du fouet, des cris et des larmes, des baisers de glaçons qui rappellent 9 Semaines & 1/2 ou Hot Shots (glorieux modèles), des scènes de culs, des fesses, des fessées, des coups de martinet, des lèvres pincées évoquant avec subtilité le désir sexuel, un dépucelage romantique, une fin en couperet que je n'ai toujours pas compris (et cette impression qu'on se fout un peu de ma gueule - cf liste @Real Folk Blues), une explication méprisante et détestable sur les causes de l'existence du sadomasochisme chez l'être humain (et ce traumatisme systématique de l'homme qui fait mal parce qu'on lui a fait mal), ...c'est bidon.