Le cinéma en tant qu'art.

Le cinéma est une chose complexe. Moi qui fait des études de cinéma, je peux vous dire que le cinéma est un objet tellement ancré dans notre société actuelle que lorsqu'un film en dehors de la marge sort, il apparaît pour certains comme le messie. Ainsi, bien loin des super-productions hollywoodienne, des films français classiques (entendons par-là les comédies) et les films indépendant, et bien se trouve le cinéma d'un monsieur: Gaspard Noé. Depuis le début de sa carrière, ce mec est l'archétype même de l'anti-cinéma moderne. Aucun de ses films ne rentrent dans une quelconque logique cinématographique. Chacun de ses films sont des créations indépendantes. A tel point que son cinéma n'est même plus du cinéma mais de l'art. Alors oui, le cinéma est considéré comme un art mais là, ce film, Climax, entre dans la catégorie des films qui sont bien plus que du cinéma.

Dans un sens, j'ai détesté ce film. Il ne raconte rien, c'est violent, dérangeant, trash, inutile par moment mais l'ensemble reste tellement fascinant que je me demande encore ce que le film veut nous dire. Climax c'est trois films pour le prix d'un. Tous plus étranges les un des autres. Mais, le tout forme un tout, comme une série de tableaux de Monet. L'un parle d'un meurtre, l'autre de danse, le suivant de trip hallucinatoire dérangé et obscène. Je ne suis pas fan du cinéma de Noé, au contraire. Mais là, il y a bien plus qu'un simple film. Il y a une maîtrise totale du dispositif cinématographique. Noé semble avoir compris à la perfection l'appareil que l'on nomme caméra. Comme si, il présentait son propre manifeste cinématographique. Voilà, il arrive, en quelques sortes, au bout de son chemin, nous montrant une oeuvre complète.

Le film ne raconte rien en soi. Il n'y a pas d'histoire, je ne suis même pas sûr qu'il est ne serait-ce un semblant de scénario un jour, c'est le vide abyssal de ce côté-là. Mais, étrangement, c'est là dessus que repose la réussite du film. Ne s'handicapant pas d'une quelconque logique, le film offre ainsi aux spectateurs une expérience naturelle. De cette absence de construction scénaristique naît le questionnement du spectateur. Par ce procédé, culotté au passage, Noé nous force à garder l'oeil sur son film, même sur les passages les plus violents. Le spectateur ne peut pas décrocher du film car il se demande sans cesse "Mais putain, c'est quoi ce délire?" et c'est exactement ce que veux Noé. Il ne veut pas que le spectateur s'attache à des personnages bateaux, que l'on suivent une logique inutile. Il veut simplement nous mettre face à du cinéma à l'état pur.

L'expérience de la salle comme certains théoriciens l'expliquent est le fait d'engager le corps dans le visionnage. Et bien, c'est exactement ce Climax propose. Il propose un film sur le corps, sur la gestuelle. D'où l'utilisation de la danse dans ce film. D'ailleurs, les premières minutes du film sont incroyables de ce point de vue là. On assiste impuissant à un spectacle de danse, où les danseurs sont tous placés sur le même pied d'égalité. La différence n'existe plus à ce moment-là. Et lorsque que le film part en couille (vulgaire mais je vois pas comment le dire différemment),Noé pousse l'expérience du corps à son paroxysme, nous montrant des scènes toujours plus dures, qui n'ont aucun sens, gratuites, insoutenables. Mais là, on a le droit à ce que le cinéma fait de mieux. Noé créé un univers imaginaire, transporte le spectateur dans ce monde, et nous place tels des sujets dans cette expérience.

Pour revenir sur le côté technique du film, comme je le disais, la maîtrise est totale. A ce stade, ce n'est plus Noé qui dépend de la caméra mais la caméra qui est soumise à lui. C'est comme si la caméra ne pouvait plus s'arrêter. L'enchaînement parfait de plan séquence (simple mais diaboliquement efficace) accentue ce côté artistique poussé à l'extrême. Ce n'est plus du cinéma comme Marvel ou Danny Boon sait le faire, c'est une oeuvre d'art complexe ne répondant à aucune base établie, réinventant sans cesse les limites du cadre de la caméra. C'est pour cela que je ne peux qu'admirer le travail de Noé. Il fait, selon moi, le meilleur du cinéma moderne en montrant un cinéma qui se mue en nouveauté constante.

Encore une fois, Gaspard Noé montre l'étendu de son talent pour le cinéma. Climax n'est pas un film qui peut-être apprécié, à moins d'être véritablement dingue dans sa tête. C'est un film qui peut-être admirer car il dépasse le simple état de film. C'est une oeuvre d'art possédant ses propres codes, envoyant voler complètement les codes établies, ne respectant aucune règle scénaristique et offrant une expérience totale aux spectateurs. C'est de plus en plus rare de voir un film de ce genre. Un film osant sortir complètement des sentiers battus quitte à se prendre un mur, peu importe. Noé confirme son talent indescriptible pour le cinéma. C'est probablement le plus grand film de 2018, car il ose faire ce qui n'est plus possible de nos jours. Tout simplement surprenant.