Coco
7.7
Coco

Long-métrage d'animation de Lee Unkrich et Adrian Molina (2017)

Plus qu’enthousiaste depuis le visionnage de la bande annonce, Coco laisse un goût amer et frustrant à la sortie de la projection qui, malgré une sincère bonne volonté, ne se dissipe pas avec le recul. Une amertume suffisante pour rester surpris par l’engouement populaire à propos de ce film.

Commençons avec les indéniables points forts de ce nouveau Pixar :
- L’esthétisme. Comme souvent chez le studio à la lampe, le visuel est splendide. Coco ne déroge pas à la règle. C'est enivrant, inventif, riche et doté une profondeur de champ par moment ahurissante. Petit bémol pour les alebrijes, principalement Pepita dont le choix des teintes et l’excès de couleurs se discutent amplement.
- La profondeur narrative d’Hector dont le rôle initial de side kick rigolo évolue progressivement vers un personnage aboutit, complexe et pertinent dans le message du scénario.

Pour le reste, les maîtres mots dérivent en amertume et lassitude.

On déplore avant tout l’absence de profondeur du scénario dans sa globalité. Un seul degré de lecture. La frustration est double. Déjà parce qu’en 1h45, on a largement le temps de le trouver long. Ensuite parce que « Coco » tient probablement l’un des sujets les plus pertinents pour parler à tous les publics : le rapport à la mort, à nos ancêtre, à la mémoire collective et familiale. Petits ou grands, nous sommes tous dans l’inachevé face à ce sujet, dont l’exploration est gage de construction personnelle autant que d’évolution sociétale vertueuse. Si Pixar se devait de produire un long métrage profond et complexe (et tout le monde sait qu’ils en sont capables), c’était bien Coco.

L’absence de profondeur scénaristique affecte également sa prévisibilité. Même, pour un enfant, les arcanes des twists finaux sont accessibles. Prévisibilité et platitude ont pour défaut complémentaire d’accoucher d’un personnage totalement manichéen : Ernesto De la Cruz qui passe du modèle d’éthique et de morale à celui de diable incarné. Ce piège du faux-semblant mis en exergue par l’écriture d’Enesto parait bien fade face à n’importe quelle fable de La Fontaine, ou même à d’autre Pixar (Vice-Versa, Monstres et Compagnie, Ratatouille…).

Ce manichéisme se retrouve malheureusement aux autres stades de l’écriture, notamment lorsque la famille de Miguel lui oppose le choix totalement étanche entre parcours familial et passion personnelle. Cette dualité décrite comme incompatible est justifiée par la diabolisation de la musique, ayant abouti à un abandon familial, 4 générations avant celle de Miguel, ce qui pose un réel problème en terme de cohérence diégétique comme de morale. Miguel ne devrait pas pâtir de cette diabolisation car l’ancêtre a (semble-t-il au départ) troqué femme et enfant pour la musique. Cette attitude de déni familial justifie amplement la rancœur de ses proches (par ailleurs sans doute largement excessive ; 4 générations plus tard, n’est-il temps de passer à autre chose ? ). Or Miguel n’abandonne rien pour se consacrer à la musique puisque c’est encore un enfant, rien ne l’empêcherait d’entretenir la mémoire de ses pairs tout en vivant pour sa passion. La binarité scénaristique véhicule donc une moralité très discutable, à tendance simpliste et surtout rétrograde.

Comme si cela ne suffisait pas, Coco tente très maladroitement de titiller l’intérêt des spectateurs adultes, notamment à travers quelques références artistiques. La personnification de Frida Kahlo est purement révoltante. Le personnage est dépeint comme une mégalomane extravertie (Frida metteur en scène de sa propre vie imaginant des mini Frida sortant d’une papaye qui dansent sur un Cactus ayant la tête de Frida…). Une vision à la fois totalement déconnectée de l’image de l’artiste et surtout dégradante. Le nom de famille de Miguel, Rivera, nous laissait en droit d’attendre une interaction avec Frida, réunissant potentiellement passé artistique et présent familial, mais il n’en est rien, témoin d’une flagrante maladresse d’écriture.

L’humour visuel se contente du strict minimum : jouer sur le démembrement des corps. C’est assez réussi en terme d’animation mais le gag s’essouffle rapidement sans jamais parvenir à se renouveler. Ce ne sont pas les pitreries canines réchauffées d'un mauvais scooby-doo à la langue démesurément longue qui rattrapera cette faiblesse.

En définitive, Coco n’est pas mauvais car visuellement réussi et relativement touchant au travers d’Hector, mais n’est en aucun cas un bon film. J’aimerais pour mes enfants que ce type de métrage apporte des nuances narratives notamment en étoffant ses personnages, en approfondissant les textes de ses chansons (« ne m’oublie pas » pour un film sur la mémoire des ancêtres… Même Francky Vincent pourrait faire plus subtil). J’aimerais pour moi qu’il propose un message bien plus approfondi sur le rapport au passé et aux défunts, et si possible en rendant un hommage sincère et honnête à la culture Mexicaine au lieu d’en stéréotyper les codes à coup de Mariachis dont la destinée se limite à porter un sombrero et à refuser de prêter sa guitare à un enfant qui souhaite en jouer.

DannyMadigan
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le 29 nov. 2017

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Paul Clerivet

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