Coco
7.7
Coco

Long-métrage d'animation de Lee Unkrich et Adrian Molina (2017)

C'est très émouvant et, comme souvent quand on a affaire au meilleur Pixar, on est dans les dernières réminiscences d'un certain âge d'or du Hollyood classique, du temps où rythme effréné du récit était souvent synonyme de production de pensée. Preuve en est que le studio, s'il a perdu en spontanéité et originalité, n'a pas délaissé son sens du récit. De même, je suis assez sidéré par la perfection narrative des trois derniers grands films du studio, à savoir Toy Story 3, Inside Out et, donc Coco.
Je regretterai cela dit une accélération dans la conduction de ses récits. Toy Story 3, je le citais, a été le dernier point d'équilibre entre vitesse du récit et lente infusion de son émotion avant que le studio ne pousse un peu trop haut le curseur. Tout va très vite, trop parfois, au risque de perdre en vraisemblance et en crédibilité. J'ai parfois l'impression que le studio, plus vraiment certain de sa capacité légendaire à faire sourdre des émotions profondes et complexes, cède au sentimentalisme racoleur - et ce même si je ne doute pas de la sincérité d'un Lee Unkrich. Il y a du trouble et de l’ambiguïté dans Coco, en témoigne ce chanteur idolâtré cachant en réalité un parfait salaud - et le mouvement éperdu du début du film dans la construction et l'acceptation de ce mythe avant sa destruction a quelque chose d'une véritable mise en crise du pouvoir de l'image. C'est comme si, Pixar, se sachant plus fragile dans la conduite de sa belle machine, cherchait à matérialiser dans ses films l'envers cauchemardesque de sa baisse d'inspiration.
De même, proposer dans le cadre d'un divertissement familial la dévaluation de la maxime conservatrice "Sachez saisir les opportunités" qui fleurit dans les films d'animation débiles d'aujourd'hui est courageux (je dirai même, au risque de surinterpréter, mais c'est souvent le cas lorsqu'on parle d'un Pixar : totalement à rebours de ce qu'on entend aujourd'hui dans le monde de Trump et dans la France macroniste). Mais à d'autres endroits, le film cède à des facilités limites, le discours sur la famille paraissant plus conservateur et lisse que jamais - loin, par exemple, de la mise à l'épreuve incroyable d'intensité du Monde de Némo. Némo, Les Indestructibles, Monstres et Cie étaient des films qui savaient prendre leur temps sans se sentir obligés de jouer sur tous les tableaux. Peut-être le studio savait à l'époque qu'un tel élément non creusé dans un film allait devenir central dans le prochain. Mais cette confiance dans la succession n'est plus, la ligne dessinant le succès inestimable de la firme étant désormais en zig-zag, coincée entre des suites sans intérêt et des estampillés "grand film post âge-d'or" qui veulent en mettre plein la vue. C'est indéniable : les Pixar, aujourd'hui, résistent moins à l'accélération du cinéma hollywoodien et ses récits si parfaits laissent moins d'épaisseur à l'émotion. Mais c'est peut-être moi qui grandit et qui donne moins d'espace à ces mondes là pour exister, qui perçoit plus la recette, la machine bien huilée.

B-Lyndon
6
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le 30 déc. 2017

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B-Lyndon

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