Taxi sniper
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Avec Michael Mann, c'est quitte ou double. Entre déceptions (Public Enemies) et grosses jouissances qui tâchent la culotte (Le Dernier des Mohicans, Révélations), Collatéral avait la dure mission de me convaincre.
Pourtant, pourtant...
La force principale de ce long-métrage s'appelle Tom Cruise. Je n'exagérerai pas en disant que le bonhomme signe une de ses meilleures performances. Faut dire que son style (costard beige, barbe grise naissante, cheveux argentés) aide beaucoup à donner une dimension quasiment divine à son personnage. De plus, sa philosophie pessimiste et misanthrope de la vie et des humains exploite une facette très sombre. On retrouve aussi cette dernière dans les meurtres perpétués : une froideur exemplaire, un regarde profond et vide à la fois, un voix lourde. Il ne transmet aucune émotion, ou si, peut-être une : l'ennui. Le fait de ne pas connaître pas son passé confère une aura mystérieuse, quelque chose qui donne la chaire de poule et qui tend à la vénération (et oui, tant que ça !).
Bref, tous les éléments sont présents pour insuffler une dynamique obscure et puissante au film.
Ce n'est pas le cas de Jamie Foxx qui incarne un chauffeur de taxi à l'opposé de Tom Cruise. Vivant dans l'idéal d'un monde meilleur (les limousines, l'île paradisiaque), tout en acceptant son sort et en l'appréciant (il ne se plaint jamais de son travail), il fait office de pilier. Seul rempart face au côté obscur/violent de son passager. Pourtant, au cours du film, il finira par se "métamorphoser", acceptant -encore une fois- son sort. Comme le montre la scène avec sa mère à l'hôpital, c'est un être faible, sans histoire, mais particulièrement têtu (il n'obéit qu'avec un pistolet sur sa tempe, dixit sa mère, figure douce et réjouissante). Cette "métamorphose" commence vraiment quand il se fait passer pour Vincent (le nom du passager) auprès d'une sorte de malfrat. Le dialogue qui s'ensuit dévoile une force secrète, enfouie sous les bons sentiments. Il est tombé dans les méandres de la violence.
Toutefois, quelques résidus de sa bonté passée resurgissent, grâce au personnage de la procureure, interprétée par la charmante Jada Pinkett Smith (les deux derniers volets de "Matrix"). La fin qui confronte ses deux comportements permet de voir que l'amour (ou les bons sentiments) l'emportent sur le reste.
Niveau réalisation, c'est un pur plaisir. Le style de Mann est, bien sûr, toujours présent : scènes d'action virevoltantes (le bar), caméra très excitée, beauté des plans (Los Angeles by night) et j'en passe des plus belles. Le fait que Collatéral soit tourné de nuit n'est pas anodin. Le côté noir (la nuit) assure une atmosphère intimiste, sombre. Tom Cruise, tout de beige/blanc vêtu tranche complètement avec cette ambiance. Une sorte d'antichrist venu pour casser les limites, la monotonie exaspérante de cette vie.
Si les scènes d'action sont d'une maîtrise quasiment parfaite, le film souffre de quelques petits défauts, comme une tendance assez gênante au mélodrame (l'histoire entre Foxx et la procureure) et aux dialogues assez ennuyeux (l'accalmie dans le taxi, mal gérée). Les seconds-rôles (le flic, en particulier) sont peu intéressants et assez inutiles. Pourquoi suivre son enquête, chose qui n'apporte absolument rien ?
L'autre gros défaut reste la durée du long-métrage. Même si il passe vite, certains passages ne sont pas du même acabit, ce n'est pas qu'on s’ennuie mais une certaine lassitude s'installe. Une inégalité aussi. Michael Mann aurait gagné à raccourcir son film d'une vingtaine de minutes.
Collatéral est donc un bon thriller, qui, même en souffrant de longueurs, reste un spectacle fort agréable, sublimé par la performance de Tom Cruise (assurément un excellent acteur).
Pour revenir à l'introduction de ma critique, Collatéral trouve sa place entre les déceptions et les jouissances qui font mouiller les culottes.
Au plaisir de découvrir les autres films de Michael Mann (je suis ouvert aux suggestions).
"Since when was any of this negotiable ?"
Créée
le 29 oct. 2013
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