OK, le scénario de "Comanche Station" n'a pas les retournements narratifs raffinés d'une "Chevauchée de la Vengeance", ou surtout du magnifique "Sept hommes à abattre".
Mais tous les bons ingrédients sont déjà là :
- ces magnifiques paysages rocailleurs de la vallée de la mort ou du bord du Rio Grande, qui n'existent probablement plus tels quels aujourd'hui.
- Ce goût pour la parade équestre, présent dans ce film comme dans aucun autre de ceux que j'ai pu voir de Boetticher. De la scène du mulet furieux à celles où les chevaux traversent la rivière, ou encore celle où Scott traverse une étendue ouverte exposée et rencontrent plusieurs Indiens, en passant par les scènes de campement, ce film est une véritable ode à la plus belle conquête de l'homme. On sent que Boetticher était lui-même éleveur, il le fait passer dans la direction d'acteurs.
- Histoire simplissime, mais universelle, digne d'un Hemingway : à quoi peut se résumer une vie humaine, qu'est-ce que l'intégrité, l'engagement, les rapports homme-femme, le vieillissement ?
- Des cadrages qui rendent justice aux grands espaces (peut-être même mieux que chez Ford), et qui, l'air de rien, sont chronométrées au milipoil près. Qu'il s'agisse d'une étendue d'eau à traverser, d'un cheval traînant un blessé à arrêter, d'un plan sur une conversation à cheval se finissant sur la queue du mini-convoi, tout s'enchaîne avec une énergie, une logique implacable. Dépouillée et flamboyante à la fois. Seul Boetticher arrive à réussir ce mélange.
Bref, peu importe l'histoire de deux hommes, un bandit et un ancien officier, qui se disputent une femme et même deux hommes, si on veut. Ce qui compte, c'est ce rythme si authentique de randonnée, si propice à la réflexion sur la condition humaine, la remise en question, bref l'élévation de l'âme.