En plusieurs dizaines de films tournés durant les années 70-80 Jackie Chan est devenu l'acteur le plus bankable de Hong-Kong. En conséquence au début des années 90 on le laisse faire ce qu'il veut. Il choisit ses films, retouche le scénario et les personnages, et occasionnellement passe à la réalisation. Dans ces années-là il réalise surtout des suites de ses films précédent : Police Story 2 et 3, Supercop (qui est un spin-off de ce dernier), ou encore Opération Condor (la suite de Mister Dynamite). Le dernier de cette série de suite plus ou moins bonne est Combat de Maitre, suite du Maitre Chinois sorti 15 ans auparavant.
Jackie Chan y reprend son personnage de Wong Fei-hong (qui n'a absolument pas vieilli en 15 ans), une figure emblématique de la lutte contre l'occupation de la Chine à la fin du 19e siècle. Mais Combat de Maitre n'est pas un film historique ou un biopic, même si l'intrigue s'inspire beaucoup de la lutte contre l'envahisseur européen. Le personnage de Jackie Chan n'a de Wong Fei-Hung que le nom, et dans une faible mesure les idées politiques.
Ici Wong Fei-hong utilise une technique de combat appelée la "danse de l'ivrogne", ou la "boxe de l'ivrogne" (le zui quan en chinois) qui consiste a imité les gestes d'une personne ivre pour déstabiliser l'adversaire. Cette technique a un fort potentiel comique, bien exploité par les réalisateurs. Ce qui n'empêche pas le film de glisser vers une tension dramatique de plus en plus poignante, lié à une violence des occupants britanniques devenue insupportable.
Si le personnage de Wong Fei-hong n'a pas d'opinion politique très ferme, le film est lui très engagé et jette un regard accusateur sur la période coloniale. Les britanniques et leur alliés autochtones y sont diabolisés au possible. Mais montrer un manichéisme qui fait pas dans le détail c'est le propre des films de Kung-Fu, alors c'est pardonnable.
Combat de Maitre est un film de Kung-Fu comme les autres. Tous les codes du genre y sont. Le jeune novice impétueux cadré par un vieux sage 10 fois plus fort que lui (ici le père de Wong Fei-Hong). Des méchants vraiment très très méchant que le héros affronte par dizaine, avant d'arriver au boss de niveau. Et puis le moment où le héros prouve que sa technique est la meilleur ("Je te défie! Mon Kung-Fu contre ta danse de l'ivrogne!"). Mais outre le fait que les combats sont particulièrement réussis et que c'est pas trop mal joué pour un film hong-kongais il y'a quelque chose en plus dans ce film.
D'abord le message politique, certes grossier, mais qui passe plutôt bien et manque souvent à ce genre de film. Il ne s'agit pas d'une simple histoire de vengeance ou d'une guerre des gangs sans intérêt. Deuxièmement la gestion des registres comique et dramatique est parfaitement réussie. Quand on doit rire on rit vraiment, et quand on doit s'émouvoir on s'émeut sincèrement. Quand on y regarde bien un ivrogne est à la fois drôle et pathétique, ce qui est très bien rendu ici.
Et encore une fois le titre français perd tous le sens du film. Ils auraient dû l'appeler le "Retour de l'Ivrogne".