C'est simple, c'est beau, c'est triste, doucement cynique: c'est la vie.

Ce film c'est une comédie romantique comme je les aime : qui ne se finit pas bien. Ou du moins, elle ne se finit pas en un baiser fougueux sur du Bryan Adams. Alors pour certains, c'est une fin triste et ce film leur semblera vide de sens : pourquoi tant de silences, de regards complices et de belles paroles qui paraissaient amener un happy end si c'est pour terminer sur une fin qui abandonne tout simplement les personnages à leur sort ?

Et bien parce que ce film n'est pas un conte de fées mais raconte l'histoire de vies. L'histoire d'une femme et d'un homme comme nous en vivons. Des vies qui se croisent et se mêlent au fil des ans (le split screen, en plus de transcrire à merveille cette impression, apporte un dynamisme original au film). Ce film dépeint sans artifices une réalité commune, cynique même dans cette banale tristesse, dont le dénouemment me paraissait évident. Il est des moments de vie, comme celui dans lequel se trouvent les personnages, où les élans romanesques sur coucher de soleil sont dépassés. La vie prend la relève et se charge de nous ramener à notre morne quotidien. Heureusement, c'est avec légèreté qu'est abordé ce thème, avec humour même. Mais ce cynisme constant dont fait preuve le couple n'est pas sans souligner l'ironie terrible de leur situation. Oui ils s'aiment, oui ils auraient pu avoir une superbe vie mais non, ça en a été décidé autrement. Et ce n'est pas une tragédie grecque (même si ce sentiment de séparation innexorable et de fatalité pourrait rappeller le fatum des destins tragiques) mais bien la vie, dans ses moments de grâce comme dans la plus lasse tristesse.
Car c'est pour moi le sentiment qui domine sans conteste ce film : une triste impression de déjà vu, d'éternel jeu voué à l'échec, en témoignent les sourires désabusés du couple et leurs rires blasés qui se font presques soupirs.

Ce sentiment n'est qu'accentué par le split screen permanent : jeu avec le spectateur, c'est d'après moi une clé de compréhension du film sur les plan des similitudes entre les personnages et leur vie respective, les rapprochements entre leur passé et leur présent et les sentiments qui rythment leur vie.
Tout d'abord ce découpage crée ici des parallèles entre les pensées et la vison de l'homme et de la femme. On observe alors avec plus de précision la danse entre les deux personnages, entre le regard fébrile d'un homme qui rit pour se convaincre sans trop y croire de la possibilté d'une seconde chance et celui lointain, désabusé, d'une femme cynique qui a perdu ses illusions. Et leurs portables similaires sont pour moi un autre élément clé qui joue sur la répétition, de même que le split screen, et révèle la ressemblance entre ces deux êtres. Car, outre leur histoire, ce qu'ils ont en commun c'est leur extrême solitude, à la seule différence que la femme ne se l'avoue pas. Ils sont perdus, ce qu'accentuent dans une triste et belle fin (apothéose de ce sentiment confus de regret, d'échec et de solitude) les lasses réponses données au chauffeur du taxi.
Ensuite, ce dédoublement de l'image crée des parallèles entre la vie passée du couple et leur situation présente. Et ce n'en est que plus déchirant. A leur bonheur passé vient s'opposer leur détresse actuelle, après leur jeune impulsivité insouciante leurs angoisses sont encore plus frappantes. Leurs regards complices et confiants ont laissés place à des visages soucieux qui cherchent en l'autre la réponse à une question qu'ils ne connaissent pas.

Ca aurait pu être ennuyeux et lourd mais ce long dialogue est brillamment porté par une Helena Bonham Carter étrangement et délicatement lointaine comme on l'aime et un Aaron Eckart charmant et perdu.

C'est simple, c'est beau, c'est triste, doucement cynique: c'est la vie.
The_passenger
7
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le 8 juil. 2014

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The_passenger

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