Course à la mort par Mickaël Barbato
Paul W.S. Anderson est devenu, au fil de ses films, un réalisateur exaspérant. Capable d'un résultat plus que convenable (Event Horizon), mais surtout coupable d'un des plus gros gâchis de ces dernières années : Resident Evil, devenu entre ses mais un immonde gloubi-boulga refoulant le je-m'en-foutisme envers une licence adoré par des millions de personnes. Et c'est cet homme, qui au passage aura contribué à la déchéance de deux des monstres les plus célèbres de l'histoire du cinéma (Alien VS Predator), qu'ont choisi des prods décidément pas très regardant pour s'attaquer au remake d'une légende des séries B : La course à la mort de l'an 2000, ou Death Race 2000 voir Les seigneurs de la route, pour les intimes.
Impossible de ne pas en placer une pour ce petit bijoux de science-fiction, produit par un Corman brillant à l'époque. Mélange atypique de film de poursuite automobile dans la grande tradition des Un monde fou fou fou et ses déclinaisons et de violence bis parfois jouissive, la péloche était aussi un brûlot assez véhément sur l'image de plus en plus présente, et préfigurait la télé-réalité dans tout ce qu'elle pourrait être de plus abjecte. Un divertissement pas dénué de tout propos, donc, et en gourmandise un Stallone débutant en compagnie d'un Carradine en pleine forme.
Le remake s'attache à détruire tout ça, pour accoucher d'un film d'action d'une banalité confondante. On passera sur les modifications de scénario qui virent le côté cartoonesque, pourtant indispensable, de l'original. En deux mots, disons que tout l'humour a disparu pour laisser place à un premier degré parfois bien gras (qui a dit beauf ?). Passons sur les personnages caricaturaux au possible, et à leur destin déjà tracé dès leurs premières apparitions. Bien entendu, on a en ouverture une séquence de course, et donc dès les premières minutes on sait que tout ça va se terminer par un mal de crâne aigu. Ca zoom-dézoom à une vitesse folle, ça tremble en toutes circonstances, les plans ne font jamais plus de 3 secondes. Sérieusement, ce serait intéressant de voir le découpage technique d'une telle monstruosité, juste pour la science. Bien entendu, l'excuse est toujours que pour figurer la vitesse et l'action, le plan ne doit pas être fixe, mais bon sang il serait possible de pouvoir avoir le temps de comprendre l'image ? Une ou deux seconde de plus, un recadrage au lieu d'un cut, de la simplicité bon sang ! Non, il faut multiplier les raccords illogiques, pas grave si le spectateur ne comprend finalement pas grand chose : l'important est qu'il ait la bouche ouverte devant le spectacle.
Et de ce côté, on peut dire que ça va. Un temps en tout cas. Les deux premières course ont leur lot de pan pan, de boom et de cascades bien classes. On peut même atteindre un point culminant quand on se rend compte du clin d'oeil bien appuyé aux jeux type Mario Kart. Oui mais voilà, Anderson n'a absolument aucun sens du rythme. Pire, son scénario est d'un plat embarrassant. La troisième course est un modèle de n'importe quoi, où le très surcoté Statham s'arrête en plein milieu de la course de longues secondes, repart puis rejoint la course comme si de rien n'était. Pour la continuité, on repassera. Brouillon au possible, à l'image du final de cette course totalement incompréhensible et évoqué quelques temps après. Nan parce que la moindre des choses, quand une course se déroule, c'est de savoir qui gagne. Si on ajoute à ce constat bien triste une redondance sentie très vite, notamment à cause d'un circuit très décevant et jamais mis en valeur, on peut déjà dire que le film manque le coche sur ce qu'il avait de meilleur à proposer.
Et au milieu de tout ça coule une rivière. Enfin, plutôt un filet d'urine bien crados sensé donner un peu de relief à un fond absent. "Banal" n'est pas le mot. "Insignifiant", on s'en rapproche. Une blondasse cougar perfide, un héros emprisonné à tort. Je vous laisse deviner qui est responsable de la situation du deuxième. Mais, pour que la croûte soit encore plus indigeste, il manquait un zeste de quelque chose. Ah oui, du bon gros hip hop quand on survole la prison, et du R&B quand les pouffiasses débarquent. Là, on le tien notre nirvana du mauvais goût, là on a notre Anderson comme on l'aime : abruti, insipide et incapable.