Bad Blake (Jeff Bridges) est un Countryman, un vrai de vrai, un pur et dur. Il a eu ses succès, il y a quelques temps mais cela fait des années désormais, et il ne court plus après. Son temps, il le passe à rouler sa bosse dans le Midwest, de petit concert en petit concert, parfois une salle de bowling, parfois un bar. Il ne fait que boire et ruminer toute la journée, ne répète jamais avec les musiciens, mais reste très pro quand il monte sur scène, sait contenter ses fans en chantant ses belles chansons. Cela ne dure qu'un temps : celui de rencontrer une femme (Jean, a.k.a. Maggie Gyllenhaal), célibataire avec jeune enfant (de son nom Buddy), et de tomber amoureux d'elle.


Typique film de rédemption, Crazy Heart va voir Bad Blake tenter de changer pour remettre sa vie dans le bon sens, recommencer à avancer lui qui n'est plus qu'un vieux vivant sur son passé. Toutefois, cette rédemption viendra à son rythme, lent et dépouillé, comme l'est la country qui irrigue de partout ce film. Ce dernier prend son temps, enchaîne lentement, presque logiquement les moments clés d'un scénario que l'on croyait éculé et qu'on se surprend à apprécier tout de même grâce au classicisme impeccable de la mise-en-scène. C'est aussi parce que Bad Blake n'est pas le "déchet" qu'il pourrait être dans un autre film du genre. Ici, il séduit Jean alors qu'il est encore ce vieux grincheux, et leur relation (impossible, comme dans tout bon film de rédemption) débute naturellement, sans artifices.
Autre exemple du naturel et de l'absence d'affectation de ce film, plusieurs fois au début du film nous est mis sous l'oreille la rancœur de Bad Blake pour son ancien protégé Tommy. Quand ils en arriveront enfin à se rencontrer dans le film, le duel tant attendu sera tout à fait désamorcé, tant Tommy (Colin Farrell) n'arrête pas de vouloir se faire tout petit aux côtés de son idole, qu'il semble admirer plus que tout.


Et alors que le film semblait s'en aller tranquillement vers sa conclusion, Bad Blake égare Buddy dans un centre commercial, alors qu'il allait se servir un verre dans le bar d'un ami à lui. Le scénario fait là sa seule erreur, comble d'artificialité et de cliché, dans un film pourtant si fin depuis le début. C'est le début de la fin pour Bad Blake, qui perd dans l'histoire sa relation amoureuse, et donc aussi la fin d'une longue absence. Il en profite pour se ressaisir, part en cure de désintoxication, recommence à écrire des chansons et change même de nom (reprend même son nom de naissance, Otis). Scott Cooper semble savoir qu'il s'est là fourvoyé, expédie tout cela en dix minutes chrono. En conclusion, comme pour s'excuser, il nous offre à la fois ce pourquoi nous aimions ce film et ce pourquoi nous aimons les films de rédemption : la vie enfin apaisée d'Otis, symbolisée par une chanson avec Tommy durant un grand et beau concert et par une discussion amicale avec Jean, avec douceur, tout en simplicité.

ukhbar
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le 23 févr. 2011

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