Un spin-off de la saga Rocky ? Déjà que les remakes et autres suites de franchises cultes n’ont pas vraiment fait leur preuve ces derniers temps, hormis quelques exceptions (Mad Max : Fury Road, Mission : Impossible 5 et Star Wars VII cette année), autant dire que je n’attendais rien de ce Creed. L’idée d’aller le voir au cinéma ne m’était même pas venue à l’esprit, c’est pour dire ! Et puis, les premières critiques sont tombées, ces dernières clamant haut et fort que le long-métrage pouvait rivaliser sans mal avec le premier opus si ce n’est le dépasser. Sans oublier une possible nomination pour Sylvester Stallone à l’Oscar du Meilleur acteur dans un second (ce qui s’est récemment confirmé à l’annonce des prétendants pour la prochaine cérémonie). Dès lors, Creed est devenu pour moi un film à ne pas louper. Maintenant que c’est fait, était-ce une sage décision d’aller le voir ?


Avant de répondre concrètement à la question, il faut savoir que ce film, appartenant pour le coup à la franchise Rocky, possède quelques défauts propres à cette dernière. Notamment en ce qui concerne le côté mélodramatique si caractéristique des produits hollywoodiens mais aussi le fameux happy end un peu niaiseux. Sans compter qu’on y retrouve la structure scénaristique de la plupart des films de boxe : le héros partant de nulle part (ou presque, vu le sujet de Creed), voulant se faire un nom et qui va gravir les échelons en y croyant et en y mettant toute sa volonté. On en reviendrait quasiment à l’intrigue du tout premier Rocky, qui était déjà une parfaite représentation du rêve américain. Ici, c’est la même chose et ce malgré quelques nuances, pouvant déranger les spectateurs un peu trop pointilleux car étant en quête d'originalité.


Mais en toute franchise, Creed vaut le déplacement (ce qui répond à la question posée). Car après une tonne d’épisodes où l’intrigue ne servait que de prétexte à un nouvel affrontement entre deux molosses du ring, on se retrouve ici avec un film qui, comme Rocky premier du nom et Rocky Balboa (sixième opus, sorti il y a déjà 10 ans de cela), préfère s’intéresser à ses personnages qu’aux combats. En même temps, voulant de base se pencher sur le parcours d’un fils illégitime faisant tout pour sortir de l’ombre de son père et de réussir par ses propres ressources, Creed ne pouvait délaisser ses personnages. Ce qu’il n’oublie pas de faire, fort heureusement, dressant un portrait touchant et juste, le tout sur fond de passage de flambeau. L’ensemble se révèle être assez passionnant à suivre, parvenant à faire rire mais également à émouvoir à certains moments. Rien que pour cela, nous ne pouvons féliciter Ryan Coogler et son co-scénariste Aaron Covington, qui ont su assurer l’héritage d’une mythique franchise.


Car oui, utiliser l’univers de Rocky n’était pas gagné d’avance ! Pour dire, si le réalisateur de Fruitvale Station (son premier long-métrage sorti en 2013) s’était fourvoyé dans la référence à outrance comme l’ont fait l’année dernière certaines suites (principalement Jurassic World et Terminator : Genisys), nous aurions eu droit à un hommage lourdingue. Un film qui aurait très bien pu abuser d’Eye of the Tiger, du thème principal de la saga, des scènes des films précédents et de leurs personnages pour exister. Au lieu de cela, Coogler a eu l’intelligence de ne pas s’y vautrer et de poursuivre tout simplement l’aventure du point de vue d’un tout nouveau protagoniste, afin de permettre la relève aussi bien au niveau du film que de la carrière des comédiens. Il apporte même sa patte artistique à la franchise via une mise en scène aux petits oignons. Celle qui évite toute convention pour donner au projet bien plus d’allure qu’un blockbuster hollywoodien lambda. Comme des plans travaillés ou bien des effets percutants (ici, un combat filmé et monté en plan-séquence, faisant preuve de violence et de précision). Autant dire que Coogler a tout fait pour que Creed marque les esprits. Succès garanti !


Mais là où le long-métrage réussit son coup (et cela va plaire aux aficionados de la franchise), c’est par son traitement du personnage de Rocky Balboa. Bien que celui-ci soit secondaire, il crève une fois de plus l’écran, piquant sans mal la vedette à Adonis Creed pourtant joué par un brillantissime Michael B. Jordan. Cela, nous le devons à Sylvester Stallone lui-même, qui offre à son rôle fétiche une toute autre dimension. Au lieu de se la jouer « Je suis vieux mais encore là » comme il l’avait fait dans ses derniers films (notamment les Expendables), le comédien décide enfin de laisser sa place, se plaçant ici dans la peau du mentor en fin de carrière prêt à se mettre sur le banc de touche et voir son héritage perdurer. Une bien belle image qu’il délivre de manière convaincante, rendant le personnage de Rocky encore plus simple et touchant qu’à l’accoutumée. Pour dire, il arrivera même à vous mettre la larme à l’œil. Nomination à l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle franchement méritée !


Malgré une structure scénaristique classique n’inventant rien qui peut faire écho au tout premier film de la franchise, Creed sort agréablement son épingle du jeu en se présentant comme un drame sportif touchant. Aussi bien dans ce qu’il raconte que dans sa représentation du célèbre Rocky Balboa. Il aurait très bien pu être un spin-off sans âme et purement commercial, il se présente finalement comme l’un des meilleurs longs-métrages traitant du passage de flambeau. Une bien bonne surprise que ce film !

Créée

le 18 janv. 2016

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