Récit de la déportation d'une famille estonienne en 1941 par les forces staliniennes. Le mari et la femme (accompagnée de leur fille) sont rapidement séparés. Elle se retrouve dans un kolkhoze au fond de la Sibérie, soumise à des conditions de travail d'une grande dureté et à la brutalité de ses chefs. Elle y restera près de quinze ans. On ne sait ce qu'il est advenu de son mari. Dès l'arrachement au village, tout se fige. La caméra se déplace avec lenteur (superbes travellings) et glisse entre des personnages arrêtés en plein mouvement. On croit un instant à quelque effet technique, à un truc informatique ; mais subitement on devine une mèche de cheveux qui bouge avec le vent, on aperçoit un oeil qui se ferme à peine. Tous les acteurs sont bien "vivants", mais figés dans leur geste. L'effet est saisissant. Et pendant ce temps en voix off, toute de tension retenue, la jeune mère lit les lettres qu'elle destine à son mari, sans savoir où il se trouve, pour lui raconter son quotidien. Cette voix douce et résignée, sorte de psalmodie, accompagne tout le film. Elle est soulignée par un très sobre mais superbe accompagnement musical. Les images sont belles mais ne sombrent pas dans un esthétisme artificiel. Le parti pris de scènes figées était risqué ; de mon point de vue c'est une totale réussite. J'ai été totalement séduit par ce film.