Prix du Jury au festival international du film d’animation d’Annecy en 2017, « Dans Un Recoin de ce Monde », est clairement l’un des plus beaux films d’animation japonais de tous les temps.
Adaptée de l’œuvre de la mangaka Fumiyo Kōno, cette tragédie se déroule avant, pendant et après le bombardement nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki, lors de la Seconde Guerre mondiale. On y suit une héroïne délicate, intelligente, débrouillarde et attachante : Suzu, une jeune japonaise pleine de vie, qui quitte sa petite campagne pour le port militaire de Kure, afin d’endosser son rôle d’épouse. Elle incarne la douceur, la grâce, la simplicité et la générosité au milieu d’un conflit international qui ne va que dégénérer.
Ce récit est l’occasion de rappeler au monde que les nazis ne sont pas les seuls à avoir commis un crime d’envergure contre l’humanité. Même si l’ennemi n’est pas clairement dénoncé, chacun sait que l’Amérique est responsable d’un des plus gros génocides humain de cette planète. Mais ici, on nous conte ce drame sans dénonciations, simplement en décrivant la vie, l’amour, la sagesse, les difficultés et le courage. Bien entendu, la mort fait parti de ce drame historique, les décors dépeints y sont sublimes, puis cataclysmiques.
C’est le cinéaste Sunao Katabushi qui signe ce pur chef d’œuvre, on lui doit également le merveilleux « Mai Mai Miracle » sortie en 2009. Il fut également scénariste sur des séries animées à succès, telles que « Sherlock Holmes » de Hayao Miyazaki. Puis assistant de direction sur le film « Kié la petite peste », et storyboarder sur « L’école des Champions », « Papa Longues Jambes » et la série « Kié ».
Avec ce film, le cinéaste déploie à la fois un fait historique, à la fois l’amour qu’il a pour son pays, sa nature, ses paysages, ses habitants et leur quotidien. On assiste à de magnifiques panoramas reflétant avec fidélité la beauté bucolique du Japon. Chaque scène retranscrite fait l’éloge de la simplicité du quotidien, de la bienveillance de chacun, et de l’admiration pour la nature. Tout n’est pas merveilleux dans cet univers si habilement dépeint, puisque le pays est en conflit, et doit faire face à de nombreuses attaques aériennes, la population doit regagner les abris anti-bombardements à chaque attaque, la famine se déploie, et les héros se trouvent confrontés à l’éloignement dû à la construction de chacun.
Le recoin de ce monde met en avant des victimes de la guerre, qui vivent directement ce conflit, subissant la vengeance d’une hostilité à laquelle ils n’ont pas participé. Le film ne se permet à aucun moment de promouvoir une quelconque morale. Son intention est noble produire une œuvre poétique, poignante et sincère qui ne flatte que les bons sentiments, l’amour et la spiritualité d’une nature sauvagement mise à mal par l’homme et ses ambitions supérieures.
Personnellement, je n’avais pas été autant touché par un film d’animation depuis le formidable « Tombeau des Lucioles » d’ Isao Takahata. Malgré quelques longueurs, on assiste à un véritable moment d’émotion, persévérant, ambitieux et mémorable. Une œuvre de mémoire captivante, qui grâce à son héroïne, permet de se forger sans animosité un regard triste et contemplatif, colérique et subtile.
Un drame déchirant, porté par une bande originale sublime, des aquarelles toutes plus fascinantes et enivrantes les unes que les autres et une poésie admirable !