Tête-à-tête sans queue ni tête

Finalement, je l'ai vu en version française, pas le choix. Dark Shadows est — au premier abord — un beau film, contant dans une infinie douleur l'amour d'une famille aux membres si particuliers. Les acteurs sont convaincants (Eva Green, en sorcière, est dangereusement sublime), bien que trop peu approfondis en général. Helena Bonham Carter (le docteur Julia Hoffman) et Chloë Grace Moretz (Carolyn) sont clairement là pour dérider le film à coups de répliques bien piquantes et « modernes », tandis que Johnny Depp enfile un nouveau costume qui semble lui plaire et remet à la mode un langage — malheureusement — désuet. Mais au-delà des quelques dialogues truculents et scènes insensées, le film manque de profondeur et de logique. Tim Burton a essayé de mêler horreur et humour, et le résultat tangue. Les effets visuels sont grandioses (surtout quand ils touchent au corps d'Eva Green !) mais ne sauvent pas l’œuvre entière. Il m'est arrivé de regarder ailleurs lors du visionnage, ce qui, d'ordinaire, est assez mauvais signe et sonne comme une preuve d'un ennui passager. Enfin non, ce n'était pas de l'ennui, c'était un désintérêt. Par moments, le scénario se perd dans les méandres des pensées étranges de son réalisateur, jusqu'à semer le spectateur lambda. T. Burton se contente de mettre en place une suite de joutes plus ou moins loufoques entre le vampire et la sorcière, tandis que les autres personnages sont relayés au plan de figurants. Je me demande pourquoi l'affiche du film est celle-ci alors que l'on ne voit quasiment que Johnny Depp et Eva Green. Alors oui, je suis déçue ; je m'attendais à découvrir l'histoire d'une famille complète, où chaque individu saurait faire preuve d'éloquence sarcastique quant à sa pseudo-condition que je pensais héréditaire. Par ailleurs, la fin est trop vite expédiée et laisse le spectateur dubitatif. Les explications manquent et ceux dont l'imagination fait souvent faux bond auront sans doute du mal à s'autoriser un éclaircissement arrangé... Que penser des apparitions fantomatiques suppliant « aide-moi » qui finalement s'évanouissent avant que l'on ne comprenne ce qu'elles attendaient... ? À trop chercher l'original, Tim Burton sombre dans l'absurde et nous laisse choisir un raisonnement à sa place.